Jeunes de l’Y grenoblois : un portrait statistique
- philippinelavoillo
- 2 juin
- 9 min de lecture
Plus égoïstes, ultra-connectés, mais dans le même temps militants, écolos, et plus mobiles qu’avant ? Les clichés sur les jeunes sont nombreux, et traduisent les représentations que la société porte sur cette catégorie. Dans cette série d’articles portant sur les jeunesses dans la région grenobloise, les partenaires de l’OBS'y documentent les idées reçues sur ces habitants.

Le débat de la tranche d’âge
La catégorie des « jeunes » relève de multiples contours d’ordres symbolique (« se sentir jeune »), philosophique (qu’est-ce qu’être jeune dans nos sociétés actuelles ?), institutionnel (droit de vote à partir de tel âge) ou encore administratif (aides attribuées pour certaines tranche d’âge). Aussi, les tranches d’âge ne font pas consensus, et tendent à reculer avec le vieillissement général de la société française et l’allongement de la période de la « jeunesse » (on y inclut de plus en plus les 25-30 ans). Souvent, l’observation est contrainte par les découpages de tranches d’âges de la statistique publique : 15-29 ans, 18-29 ans, 15-24 ans, etc.
La tranche d’âge des 16-25 ans est l’une des plus utilisées ; cette approche permet d’appréhender une catégorie certes très hétérogène, mais qui présente une base commune dans la société française. C’est la période de la fin de la scolarité obligatoire (16 ans) et le début de la reconnaissance d’une citoyenneté à part entière (fin de la protection sociale dite « familiale »), y compris au regard des droits dont les jeunes peuvent bénéficier (éligibilité aux minimas sociaux, comme le RSA, dans les mêmes conditions que l’ensemble de la population). Ainsi, on devient jeune adulte civilement et politiquement à 18 ans (majorité et droit de vote), mais pas socialement puisque les jeunes ne peuvent bénéficier des minimas sociaux qu’à partir de 25 ans. C’est pourquoi les jeunes constituent un véritable angle mort pour l’Etat providence français (Tom Chavelier).
Parler de jeunesseS au pluriel !
A l’image des grandes métropoles, l’agglomération grenobloise accueille de nombreux jeunes, ce qui confère à sa pyramide des âges une forme de « sapin ». Pour autant, derrière cette tranche d’âge, "les jeunes" présentent de multiples situations : si l’on a tendance à considérer que ces individus sont majoritairement étudiant-es, on peut noter une diversité importante entre les jeunes en études, les jeunes en emploi et en étude à la fois, les jeunes en emploi seulement, ou les jeunes qui ne sont ni en études et ni en emploi, et enfin parmi eux, les jeunes qui recherchent ou non en emploi (actifs/inactifs).
Les 18-29 ans : 17 % de la population de l’Y grenoblois
Pyramide des âges de l'Y grenoblois

La pyramide des âges de l’Y grenoblois, en particulier pour les jeunes de 18 à 24 ans, est fortement influencée par le poids de sa population étudiante, reflet de l’attractivité d'enseignement supérieur du cœur métropolitain, mais aussi par un bassin d’emploi et une offre de logements plus diversifiés que les territoires voisins.
Si l’on regarde plus précisément les pyramides respectives des trois intercommunalités qui le compose, on observe une structure « en miroir » sur cette tranche d’âge. Ainsi, la part des 18-29 ans (20 %) est deux fois supérieure au sein des 49 communes de Grenoble Alpes Métropole que celle des deux autres intercommunalités, le Pays Voironnais (10,4 %) et le Grésivaudan (9,8 %), qui voient fondre le nombre de jeunes présents sur leur territoire sitôt le baccalauréat obtenu.
Pyramides des âges 2010 et 2020 des 3 EPCI de l'Y grenoblois

Pour autant, l’attractivité de la métropole grenobloise ne jugule pas une tendance à l'érosion des effectifs jeunes entre 2010 et 2020 que l’on retrouve dans chacun des trois territoires (à l’exception des 15-17 ans), alors même que la population générale continue de son côté de croître à un rythme modéré (+0,3 %). Si la part des 18-24 ans est prépondérante, celle de la tranche d’âge supérieure (25-29 ans) s’amenuise rapidement, indiquant que les jeunes restent peu sur le territoire une fois leurs études effectuées ou après un premier emploi. L’érosion des effectifs en une décennie (-0,2 %) apparaît toutefois plus modérée que celle du Pays Voironnais et du Grésivaudan qui atteint -1,1 %.
Par ailleurs, si la part des jeunes de 15 à 17 ans est légèrement supérieure dans le Pays Voironnais et le Grésivaudan par rapport à la moyenne départementale, régionale ou nationale, celle des 18-24 ans et des 25-29 ans devient inférieure à celle des trois autres échelles. En outre, le taux d’évolution annuel négatif des 18-29 ans y est également plus marqué.
Evolution des 18-29 ans au sein des 3 EPCI

A quoi s’occupent les jeunes de l’Y grenoblois ?
Le temps de la scolarisation majoritaire
Entre 15 et 17 ans, les jeunes de l’Y grenoblois sont en scolarisation à 95 %, c’est-à-dire l’âge du baccalauréat ou équivalent. Entre 18 et 24 ans, ces jeunes sont une majorité – six sur dix – à suivre des études ou une formation de manière exclusive. 5 % cumulent études et emploi, et 17 % sont en emploi (voir l'article dédié à l'emploi). Un jeune de cette tranche d’âge sur dix n’est ni en emploi, ni en formation (NEET). Entre 25 et 29 ans, les proportions s’inversent : un jeune sur dix est encore en études ou en formation, tandis que près des deux tiers sont en emploi. La part des jeunes de 25-29 ans ni en emploi ni en formation double presque par rapport aux 18-24 ans, pour atteindre 17 %.
Statut de la population des 17 à 30 ans

Une entrée très progressive dans le monde du travail
L’« âge bascule », où la part des jeunes en emploi (ou en cours de professionnalisation) devient supérieure à celle des élèves et étudiants, s’opère entre 22 et 23 ans. La dynamique d’échange entre étudiants et travailleurs ne se stabilise véritablement qu'autour de 32 ou 33 ans. La population « apprenante » perd 25 % de ses effectifs entre 16 ans, l’âge de la scolarité obligatoire et 21 ans. A 25 ans, elle en a perdu les deux tiers.
Part des individus inscrits dans un établissement d'enseignement

Scolarisation : des spécificités territoriales
Au-delà du baccalauréat, la part des apprenants diffère sur chacun des trois territoires de l’Y Grenoblois. Elle est plus importante au sein des 49 communes de la métropole grenobloise que dans le Voironnais ou le Grésivaudan.
Entre 2010 et 2020, on observe toutefois un tassement du taux de scolarisation des 18-24 ans au sein de la métropole grenobloise (-0.2 %) et une nette diminution dans le Grésivaudan (-7 %). Seul celui du Pays Voironnais connait une légère progression, mais au sein d’un territoire où celui-ci est par ailleurs déjà plus faible que celui des deux autres. En revanche, l’augmentation de la durée d’étude est perceptible pour les 25-29 ans, particulièrement au sein de la métropole (+6,6 %), mais aussi du Grésivaudan (+3,7 %), et dans une moindre mesure dans le Pays Voironnais (+1,7 %).
Taux de scolarisation et son évolution dans les 3 EPCI

Avant l’entrée au lycée, les collégiens sont majoritairement scolarisés dans leur commune de résidence, ce qui n’est plus le cas à partir du lycée avec deux tiers des effectifs qui étudient en dehors de la commune de résidence, dans la mesure où les établissements couvrent des cartes scolaires plus étendues.
Toujours à l’échelle de l’Y grenoblois, les statistiques nous montrent ensuite que l’entrée dans les études ou formations post-bac permet de réaligner le lieu de résidence sur le lieu d’étude, notamment après l’âge de 20 ans.
Lieu d'étude des jeunes en scolarisation, selon l'âge

Diplômes et durée d'études : une massification post-bac, mais un recul des bac+5
Dans l'Y Grenoblois, la répartition des niveaux de diplômes en fonction de l'âge devient stable à partir de 27 ans, âge où la part des étudiants représente moins d’une personne sur cinq. A l'âge de 34 ans, la part des diplômés du supérieur représente 58% des effectifs. La part des personnes sans diplôme se stabilise quant à elle autour d’un seuil plancher d’environ 7 % pour chaque classe d’âge.
Diplôme le plus élevé obtenu, par âge détaillé à l'exclusion des personnes inscrites dans un établissement de formation

Les niveaux de diplômes diffèrent significativement entre les trois territoires de l’Y Grenoblois. Ainsi, au sein de la métropole grenobloise, les diplômés du supérieur représentent 58 % des 25-29 ans, contre 50 % pour le Grésivaudan et 45 % pour le Pays Voironnais. Les diplômés de niveau Master et plus sont également plus nombreux au sein de la métropole. L’une des explications réside dans le fait que les plus diplômés sont précisément ceux qui ont quitté leur territoire d’origine pour suivre des études, et gonflent ainsi les chiffres de la métropole qui concentre l’offre universitaire. Les jeunes restant sur leurs territoires d’origine sont ainsi moins nombreux, moins diplômés, et s’orientent vers des formations professionnalisantes disponibles localement, plus courtes et de niveau académique moindre.
Diplôme le plus élevé obtenu chez les 25-29 ans selon le territoire

Un recul des non-diplômés ainsi que des diplômés bac+5 et au-delà
Entre 2010 et 2020, on observe un recul, tant au niveau des effectifs que des proportions, des diplômés de niveau bac +5 et plus. La part des diplômés de l’enseignement supérieur ne se réduit pas pour autant et augmente au contraire, car ce recul des bac+5 et plus apparaît compensé par la part croissante des formations de niveau bac+2 à bac +4, au centre desquelles figurent en bonne place les BTS et les formations de niveau licence. Au sein de la métropole, cette part s’accroît de 6 points par rapport à la période antérieure. La part des non diplômés tend quant à elle à diminuer sur les trois territoires de l’Y grenoblois.
Plus haut niveau de diplôme obtenu en 2010 et 2020, dans les 3 EPCI
Faire défiler les trois territoires avec la flèche sur la droite de l'image. Dans l'ordre : Pays Voironnais, Grésivaudan, Métropole Grenobloise
Source : Insee, RP 2010 et 2020.
Comment habitent les jeunes ?
Des cohabitations plus tardives, sauf pour les étudiants : un recul de l’autonomie du logement ?
Le rapport à l’autonomie, au sens d'habiter dans un autre domicile que celui de ses parents, est contrasté d’un territoire à l’autre. Au sein de la métropole, on observe un « boom » des jeunes autonomes dès le baccalauréat obtenu, qui s’explique par une arrivée massive d’étudiants sur le territoire. Ainsi, chez les 20-24 ans, la part de jeunes cohabitants avec leurs parents n’est plus que de 30 % dans la métropole, au contraire du Pays Voironnais où elle s’élève à 62 % des jeunes restés sur le territoire, et à 67 % dans le Grésivaudan. Celle-ci ne se stabilise véritablement qu’autour de 3 % à l’âge de 35 ans.
Dans la métropole, la part de jeunes autonomes dans leur logement reste stable entre 2010 et 2020, tandis qu’elle augmente tendanciellement dans les deux autres territoires, respectivement de +8 points dans le Voironnais et +2 points dans le Grésivaudan.
Autonomie de logement chez les 20-24 ans au sein de l'Y Grenoblois

Un recul de l’âge de mise en couple et de l’âge à la naissance du premier enfant
A l’échelle de l’Y grenoblois, l’année des 18 ans est celle où on assiste à une mise en couple, avec une part qui s’accroît à un rythme de 30 % chaque année. Un maximum est atteint autour des 27-28 ans (33 %) avant de décroître au profit des couples avec enfants. 30 ans constitue un âge pivot auquel on observe autant de couples sans enfants qu’avec enfants. Cinq ans après, 83 % des couples ont des enfants, avec un maximum atteint à 42 ans où 9 personnes en couple sur dix ont des enfants.
L’âge de la mise en couple tend par ailleurs à se décaler dans le temps sur chacun des trois territoires. Chez les 20-24 ans, la part des couples est en retrait de 3 à 6 points entre 2010 et 2020, même si elle augmente légèrement dans la classe d’âge supérieure (25-29 ans), entre +1 et +2 points sur la période. La part de couples avec enfants marque quant à elle un recul pour les 20-24 ans (-2 à -3 points) comme pour les 25-29 ans (-3 à -4 points).
Structure des ménages par âge et par territoire
Source : Insee, RP 2020
Davantage de jeunes vivant seul-es
En raison du poids de la population étudiante, la part de jeunes de 20 à 24 ans vivant seul-es est plus de trois fois supérieure à celle du Pays Voironnais et du Grésivaudan (32 % vs 10 % et 9 %). Un écart que l’on retrouve sur la classe d’âge supérieure (25 à 29 ans) même s’il tend à se réduire. En revanche, ces proportions se sont accentuées entre 2010 à 2020, plus particulièrement au sein de la métropole grenobloise. La part de personnes vivant seules apparaît très stable dès 33 ans, et s’élève entre 16 % et 18 % d’une classe d’âge.
Y Grenoblois. Structure des ménages selon l'âge
