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Quel niveau de bien vivre dans les quartiers populaire ?

  • Photo du rédacteur: Caroline Leroy
    Caroline Leroy
  • 25 avr.
  • 9 min de lecture

Les résidents des quartiers populaires tirent-ils autant de satisfaction vis-à-vis de leur vie que le reste des habitants de la métropole grenobloise ? Comment a évolué leur perception de leurs espaces de vie en 5 ans ?


Cette fiche propose une comparaison des enseignements de deux enquêtes, qui ont chacune été administrées en 2018 et en 2023. Il s’agit du questionnaire « indicateur de bien-être soutenable et territorialisé » (IBEST) concernant l’ensemble de la métropole grenobloise et de l’enquête « Vie quotidienne des habitants » (VQH), administrée au sein des quartiers en Politique de la Ville.


L’objectif de cette comparaison est d’apprécier les différences de profils des répondants, de ressentis et expériences vécues vis-à-vis de leur cadre de vie (quartier, logement…) et de leurs modes de vie.




En résumé


Répétant l’exercice de 2018, la comparaison des enquêtes IBEST et VQH en 2023 apporte des résultats révélateurs. La composition des échantillons reflète la définition même des quartiers prioritaires de la politique de la ville, constituée à partir des revenus. Au-delà de ces disparités économiques attendues, leur rapprochement met en exergue des ressentis plus profonds chez les résidents à l’égard de leur cadre de vie et de leur mode de vie.

Les quartiers populaires sont caractérisés par une plus grande proportion de locataires et une satisfaction moindre de leur logement par rapport aux enquêtés IBEST. Les habitants des QPV déclarent une satisfaction en hausse vis-à-vis de leur quartier de résidence par rapport à 2018, même si elle demeure inférieure par rapport aux réponses dans l’IBEST. Globalement, ils se rendent également moins dans les espaces verts que leurs homologues.

Concernant les modes de vie, les constats ne sont pas univoques entre les deux enquêtes. En effet, les dépenses essentielles sont plus importantes dans le budget des foyers des quartiers populaires, particulièrement les frais de santé et pour les enfants. La perception des discriminations apparaît liée au genre dans l’IBEST, tandis qu’elle concerne avant tout le lieu de résidence et l’origine dans VQH. Par ailleurs, alors que leur satisfaction professionnelle est similaire, les répondants des quartiers populaires ressentent moins de stress que ceux de l’IBEST.


Les personnes interrogées





Des disparités socio-économiques saillantes


Des foyers plus denses dans les quartiers prioritaires


Les enquêtes IBEST et VQH de 2023 mettent en lumière des différences marquées dans les profils des répondants et les caractéristiques des foyers. Les foyers de l’enquête IBEST, sont majoritairement composés de deux personnes (43 % contre 28 % dans VQH).

À l’inverse, les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), présentent une plus grande proportion de familles nombreuses (16 % des foyers avec plus de cinq personnes, contre seulement 5 % dans IBEST) et de familles monoparentales.



Taux d’emploi, diplômes : des différences marquées


En termes d’emploi, le taux est nettement plus élevé dans IBEST (66 % contre 40 % dans VQH), bien que les deux populations enquêtées montrent que la catégorie la plus importante est celle des personnes sans activité professionnelle (retraités, étudiants, inactifs ou en recherche d’emploi). Les employés et ouvriers sont plus présents dans les QPV, tandis que les cadres supérieurs et les employés prédominent dans IBEST.


Concernant l’éducation, 92 % des répondants IBEST ont au moins un baccalauréat, comparé à 62 % dans VQH. Le diplôme le plus fréquent dans VQH est le CAP/ BEP (26 % contre 6 % dans IBEST), alors que 62 % des répondants IBEST possèdent au moins une licence (contre 26 % dans VQH).










Des revenus moindres dans les quartiers populaires


Les revenus des foyers montrent également d’importantes disparités : 54 % des participants de VQH gagnent moins de 1800 € par mois, contre 21 % dans IBEST, et les hauts revenus (plus de 5500 €) concernent 14 % des répondants IBEST contre seulement 3 % dans VQH. Ces différences socio-économiques relevées par ces deux enquêtes administrées localement reflètent les données officielles disponibles via l’Insee.


Plus de locataires dans les quartiers populaires


Les différences de statut d’occupation reflètent les particularités des quartiers populaires qui accueillent les plus forts taux de logements sociaux dans le tissu résidentiel métropolitain.


Ainsi, il y a deux fois plus de locataires parmi les répondants de VQH, avec 64 % d’entre eux, comparativement à 31 % parmi les répondants de l’IBEST. Les familles et les couples sont beaucoup plus nombreux à être propriétaires dans IBEST, environ 70 %. A l’inverse dans VQH, ce sont principalement les couples sans enfants qui accèdent à la propriété (63 %). De plus, les familles des quartiers populaires sont nettement plus nombreuses à vivre dans des appartements,

avec 90 % contre 58 % pour l’IBEST.



Un cadre de vie moins plébiscité dans les quartiers populaires


Malgré une satisfaction générale vis-à-vis des logements, les familles davantage insatisfaites dans les quartiers prioritaires


Globalement, le niveau de satisfaction à l’égard du logement est élevé, bien que les répondants de l’IBEST affichent un taux de satisfaction plus élevé que ceux de VQH, avec des pourcentages respectifs de 93 % et 81 %. Il est à noter que 11 % des répondants de VQH ne sont pas du tout satisfaits de leur logement (contre 1 % dans IBEST), surtout parmi les familles avec enfants.











Une évolution paradoxale de l’appréciation des quartiers de résidence


La satisfaction vis-à-vis du quartier est globalement positive, avec 89 % des répondants de l’IBEST sont satisfaits de leur quartier, contre 72 % dans VQH.

A l’instar de la relative insatisfaction exprimée concernant leur logement, les familles des quartiers populaires affichent un taux d’insatisfaction plus élevé que le reste de la population, avec 36 % de peu ou pas satisfaites du quartier — contre 10 % des familles dans IBEST.


Point commun aux deux enquêtes, tous s’accordent à dire que leur quartier est bien desservi et bien équipé en commerces ou services, mais les habitants conviennent également que leur quartier manque de calme, de sécurité, de propreté ou d’animation. Les familles des quartiers populaires expriment là encore plus que les autres foyers leur préoccupation concernant la propreté et le calme dans leur quartier.


En 2023, les répondants IBEST qualifient moins volontiers qu’avant leur quartier comme étant agréable, calme ou sécurisé : si ces options sont encore choisies par la moitié des répondants, elles ont chacune perdu 20 points de pourcentage. À l’inverse, les répondants de VQH sont plus nombreux à qualifier leur quartier d’agréable en 2023 qu’en 2018 (73 % contre 67 %).


Parcs et jardins : une fréquentation stable dans les quartiers populaires, en augmentation ailleurs


Concernant la fréquentation de la nature en ville, dans l’IBEST, 47 % des personnes visitent souvent la nature en ville, tandis que cette proportion est de 38 % dans VQH. Un cinquième des répondants IBEST et un quart des répondants VQH ne s’y rendent jamais. Ce sont les familles et les couples qui visitent le plus souvent les parcs et jardins parmi les deux populations sondées. La fréquentation des espaces verts urbains est restée stable entre les enquêtes VQH de 2018 et 2023, alors que l’intensité des visites a sensiblement augmenté entre les deux enquêtes IBEST.













Consommation, discrimination, emploi, stress : des modes de vie tout en nuances


Dans les quartiers populaires, des dépenses courantes plus lourdes


Dans le budget des foyers, les deux enquêtes montrent que l’alimentation et l’énergie représentent les principales dépenses, quelle que soit la situation familiale. Cependant, en dehors de ces dépenses essentielles, des variations significatives apparaissent entre les QPV et la population métropolitaine. Par exemple, les dépenses de santé ont une importance particulièrement marquée pour les habitants des QPV. En effet, 39 % des répondants à l’enquête VQH les considèrent comme étant très importantes, contrairement à seulement 5 % dans l’enquête IBEST.


Pour les familles dans les deux enquêtes, les dépenses pour les enfants ont un poids comparable à celui des dépenses en énergie, entre 83 et 85 % indiquant qu’elles sont importantes. La hiérarchie des dépenses des personnes seules varie entre les populations enquêtées : les loisirs arrivent en 3e place dans l’IBEST, alors que ce sont les transports qui occupent cette place dans VQH, montrant là aussi de plus grandes difficultés à faire face aux dépenses essentielles dans les quartiers populaires.





Des discriminations de différentes natures


Dans IBEST, le principal motif de discrimination perçu par les répondants est le genre, avec 21 % signalant avoir déjà ressenti de la discrimination à cet égard (9 % dans VQH). En revanche, dans l’enquête VQH, les principaux motifs de discrimination perçue sont le lieu de résidence et l’origine, chacun étant mentionné par 21 % des répondants.


Dans les deux enquêtes, les femmes se sentent plus discriminées. Dans les quartiers populaires, 22 % d’entre elles ont déclaré s’être déjà senties discriminées pour au moins deux des quatre motifs suivants : lieu d’habitation, genre, origine et religion. Dans les deux enquêtes, les personnes âgées de 25 à 50 ans signalent une perception plus élevée de la discrimination que les autres groupes.




Des enquêtés satisfaits de leur travail, surtout dans VQH


Les répondants des deux enquêtes sont satisfaits de leur travail, avec des taux de satisfaction respectifs de 89 % et 87 %. Dans les quartiers populaires, le taux de personnes très satisfaites de leur emploi est plus élevé que dans IBEST. Aucune différence vis-à-vis de la satisfaction de son emploi ne s’observe au regard des catégories socioprofessionnelles au sein des deux échantillons. Cependant, la satisfaction professionnelle croît avec le niveau de revenus dans les quartiers populaires.



Un stress globalement moindre dans les quartiers populaires


Le niveau de stress est plus élevé parmi les répondants d’IBEST, avec 49 % d’entre eux trouvant leur vie stressante (dont 7 % la trouvent très stressante), comparé à 38 % dans les quartiers populaires (dont 14 % la trouvent très stressante). Les familles et les personnes seules se disent plus stressées que les autres types de ménage dans les deux enquêtes.


Dans IBEST, le niveau de stress ressenti diminue avec l’âge, tandis que dans VQH, il est plus élevé pour les individus âgés de 25 à 59 ans, en pleine vie active. Parmi les deux panels, les individus gagnant entre 750 et 1200 € sont ceux qui présentent le plus de stress. Cependant, il n’y a pas de diminution importante du niveau de stress lorsque le revenu est plus élevé : parmi ceux gagnant plus de 5500 €, 42 % dans IBEST et 38 % dans VQH considèrent tout de même leur vie comme étant stressante. En outre, les personnes

travaillant dans l’IBEST se sentent plus stressées

que celles qui ne travaillent pas (58 % contre 36 %), tandis que dans les quartiers populaires, il n’y a pas de différence de niveau de stress entre les personnes en emploi ou non.















Comment comparer les deux enquêtes ?

L’enquête IBEST (Indicateur de bien-être soutenable territorialisé), réalisée en ligne au début de l’année 2023, a recueilli les réponses d’environ 600 habitants de la métropole. En parallèle, l’enquête VQH (Vie quotidienne des habitants) a été passée auprès d’environ 900 habitants des quartiers prioritaires de la ville (QPV) par téléphone et entretien en 2023.

Il est important de noter que les personnes âgées de plus de 65 ans sont sous-représentées dans l’enquête IBEST par rapport à la population générale, ce public étant moins enclin à participer à des enquêtes en ligne.

De plus, les personnes habitant seules sont sous-représentées dans IBEST par rapport aux données du recensement de l’INSEE. À l’inverse, l’enquête VQH compte davantage de couples avec enfants. Par conséquent, une partie des analyses est réalisée par sous-population pour atténuer les biais liés aux différences d’échantillon entre les deux enquêtes. Cette approche permet de mieux comprendre les spécificités de chaque groupe et de fournir des conclusions plus précises et représentatives


Les quartiers dits « politique de la ville »

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont des territoires d’intervention de l’État et des collectivités territoriales. Ils sont définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 dans l’objectif de réduire les écarts de développement entre les quartiers défavorisés et leurs unités urbaines. Leur liste et leurs contours ont été élaborés par l’Etat. Ils ont été identifiés selon un critère unique, celui du revenu par habitant. L’identification des quartiers prioritaires a été réalisée à partir des données carroyées de l’Insee. La métropole grenobloise en compte 10, répartis sur 5 communes.

Source : Insee.



Sources : WoGeC GEM, IBEST 2023. L’enquête « Work, Gender, Covid » a été passée en janvier 2023 auprès du panel de Grenoble Ecole de Management. L’Enquête vie quotidienne des habitants 2023.


Exploitation et rédaction par Inès Bentara (Grenoble-Alpes Métropole), avec l’appui de Lucas Jouny et Marianne Muller (Agence d’urbanisme de la région grenobloise), Annabelle Berthaud et Philippine Lavoillotte (GAM). Mise en forme par Philippine Lavoillotte, GAM.


L’équipe IBEST comprend GEM (chaire Territoires en transition et chaire Paix économique), Grenoble-Alpes Métropole, le Centre de recherche en économie de Grenoble (UGA), l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise, la Ville et le CCAS de Grenoble.


Nourrie d’une enquête et de débats, la démarche des « indicateurs de bien-être soutenable » a abouti à la définition collective de huit dimensions du bien-être soutenable. Le bien-être soutenable correspond ici à la possibilité que les personnes ont de « se réaliser » (les opportunités qui leur sont offertes), c’est-à-dire trouver le juste équilibre entre aspirations et capacités à agir, en individuel comme en collectif.




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