Cliché : « Les jeunes sont très engagés »
- philippinelavoillo
- 24 juin
- 18 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 oct.
Plus égoïstes, ultra-connectés, mais dans le même temps militants, écolos, et plus mobiles qu’avant ? Les clichés sur les jeunes sont nombreux, et traduisent les représentations que la société porte sur cette catégorie. Dans cette série d’articles portant sur les jeunesses dans la région grenobloise, les partenaires de l’OBS'y documentent les idées reçues sur ces habitants. Pour approcher ce thème multidimensionnel de l'engagement des jeunes, plusieurs sources très diverses ont été mobilisées, mêlant enquêtes nationales et locales, quantitatif et qualitatif.
Date de publication : 24 juin 2025.

La définition de l'engagement peut couvrir un large champ de réflexion et d'action, à partir du fait de "prendre parti sur les problèmes politiques et sociaux par son action et ses discours" (définition du Larousse). L'engagement peut prendre des formes très diverses dans ses modalités et son intensité, et il n'existe pas de définition limitante.
Des jeunes de moins en moins votants…
Une baisse généralisée, plus marquée encore chez les jeunes
Les chiffres de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) dressent le constat d’un recul général de la participation électorale entre 2002 et 2022 pour l'ensemble du corps électoral, recul qui s'avère davantage marqué chez les jeunes de 18-24 ans par rapport aux autres classes d’âge (-16 points). Le vote systématique (participation aux deux tours des scrutins présidentiels et législatifs) s’effrite au profit du vote intermittent et de l’abstention systématique. L’élection présidentielle paraît davantage préservée que les autres scrutins.
L'Insee note que le diplôme, la situation professionnelle mais surtout le sexe induisent des comportements de vote différenciés parmi les jeunes : en 2022, l'abstention systématique concerne 27 % des jeunes hommes contre 20 % des jeunes femmes de 18 à 29 ans.
Comportements de vote en 2002 et 2022, selon l'âge

2024 : un rebond pour les législatives comparable aux autres générations, et davantage de procurations
Concernant les résultats des scrutins de l'année 2024, les analyses disponibles à ce jour par profil sont à prendre avec précaution : en l'absence d'enquête publiée par l'Insee sur ces élections au-delà de la procuration, ne sont disponibles que des sondages d'intention de vote ou des sondages en ligne réalisés fin juin 2024.
Les intentions de participation des jeunes lors des élections européennes de juin 2024 étaient beaucoup plus faibles que pour les autres classes d’âge. Toutefois, à l'instar de l'ensemble de la population qui s'est beaucoup plus déplacée aux urnes pour les législatives de juin 2024 (66,71 % de participation) que pour celles de 2022 (47,51 % ), les 18-25 ans ont davantage voté lors des législatives de 2024 (57 %) que pour celles de 2022 (31 %).
D'après l'Insee en 2024, établir une procuration de vote est plus courant chez les 18-24 ans (10 % des votants de cette tranche d'âge) et les 25-39 ans (9 %) que chez les 40-79 ans (6 %) et au-delà (4 %).
Qu'est-ce qui différencie les comportements de vote ?
En avril 2024, une étude de l’Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) propose des interprétations au différentiel de participation entre les jeunes et le reste de la population, pour insister sur le processus de socialisation politique qui s’opère au cours de la jeunesse. L’accès au vote en est un marqueur fort, même s’il n’épuise pas les formes d’engagement et de participation à la vie civique. Notamment, les jeunes se montreraient davantage enclins aux formes d’actions concrètes, voire contestataires, que les plus âgés.
Les différences sont toutefois importantes d’un individu à l’autre et les jeunes ne constituent pas un groupe homogène. Par exemple, l’écart entre les plus diplômés et les moins diplômés tend à s’accroître (Insee 2022, INJEP 2024). Les premiers votent plus fréquemment tandis que l’abstention systématique est plus forte chez les seconds. Le genre compte également puisque les femmes participent davantage que les hommes (+3pts), chez qui l’abstention systématique dépasse de 7 points celle des femmes. Le niveau de revenu porte lui aussi une incidence importante sur l'inscription dans les listes électorales.
... et qui se questionnent politiquement
Désenchantement et valeurs culturelles pour expliquer le vote des jeunes
Le vote ne constitue pas un indicateur suffisant pour mesurer l’intérêt des jeunes à la politique. Ainsi l'INJEP relève que les abstentionnistes sont davantage désenchantés politiquement plutôt que dépolitisés ou empêchés ou encore en rupture avec les valeurs démocratiques. Les enquêtes de valeur menées entre 1990 et 2018 montrent que "les moins de 30 ans sont légèrement moins nombreux que la moyenne des répondants à se déclarer intéressés par la politique (36 % contre 38 %), ils sont en revanche plus nombreux à estimer que la politique est un domaine important de la vie (44 % contre 40 %), avec des niveaux nettement supérieurs à ceux observés dans les années 1990, bien qu’en légère baisse depuis [...] 2008".
D'après une enquête Young Elect, il semblerait que les valeurs culturelles déterminent désormais plus fortement les choix de vote des jeunes que les valeurs socio-économiques traditionnelles : leurs opinions sur l'attitude vis-à-vis des minorités sexuelles, sur l'autorité, l'immigration ou la religion prennent de l'importance comparativement aux questions portant sur l'intervention de l'Etat dans l'économie, le nombre de fonctionnaires ou la redistribution des richesses. Cette situation accentue la polarisation du champ politique perçu chez les jeunes.
Afin de nourrir son Analyse des besoins sociaux 2022 et de mieux cerner ce public, la Ville de Grenoble a interrogé 280 jeunes grenoblois par questionnaire, et mené des focus-groupes ainsi que des entretiens semi directifs. Des questions autour de la politique figurent parmi les thèmes abordés.
30 % des jeunes ayant déclaré ne pas avoir voté aux élections présidentielles ont dans le même temps déclaré être intéressé-es par la politique. L’enquête révèle également des différences selon :
l’âge des jeunes : celles et ceux entre 16 et18 ans ont davantage tendance à déclarer un faible intérêt pour la politique (29 % contre 10 % des 20 ans et plus)
leur origine sociale : les personnes ayant déclaré une origine sociale modeste sont plus nombreuses à déclarer un intérêt faible (38 %) pour la politique.

Aussi, les jeunes qui n’ont pas le droit de vote partagent le sentiment de ne pas être considéré-es comme des citoyen-nes à part entière ; ils et elles ont pu dénoncer l’infantilisation de certains « adultes » (professeurs, ou figures politiques) ou le sentiment que leur parole compte peu.
« On a tous peur du futur (…) et c’est pour ça qu’on aimerait tous s’engager, sauf que ceux qui sont au-dessus de nous ils veulent pas, ça se voit qu’ils se disent « c’est la jeunesse, ils sont encore inconscients », sauf qu’on est encore plus conscients qu’eux. Même après 18 ans quand on aura le droit de vote, ils nous prendront toujours pour les jeunes qui y comprennent rien ».
[Parole de jeune récoltée à l’occasion du Forum des droits des jeunes]
« Non la politique j’y comprends rien (…) j’ai l’impression que y a une idée générale qui fait que la droite c’est un peu raciste, et la gauche c’est un peu écolo… je sais pas si c’est juste. (…) Je me suis sentie concernée [par les élections] mais je me suis dit, déjà, j’ai pas de pouvoir, parce que je peux pas voter, donc en soit je me renseigne mais ça sert un peu à rien. Et en fait je me suis sentie un peu impuissante par rapport à ça, parce que ma parole de jeune, elle compte pas trop ».
Une participante, 16 ans
Un rapport à l'information en phase avec leur époque
Les jeunes de l'ABS interrogés via l'ABS grenobloise ont très majoritairement déclaré s’informer via les réseaux sociaux, et notamment les chaînes Youtube de certains médias indépendants, des influenceur-ses, ou encore les publications Instagram de certains médias. Ces jeunes ont également tous et toutes témoigné leur « méfiance » quant au manque d’indépendance de la plupart des médias traditionnels. Le regard de D., 20 ans, résume les propos de la plupart des jeunes rencontré-es :
« C'est des choses qui viennent à moi un peu naturellement par les réseaux sociaux. Après tu vois, j'essaye de suivre plus ou moins les trucs. … Enfin ce que je sais aujourd'hui, c'est que les médias … ils sont contrôlés en fait et je sais que tu vois chaque chaîne télévisée elle a son patron et que c'est des gens privés, tu vois […] Du coup moi pour m'informer, bah j'essaie d'avoir des chaînes … Je suis sur les réseaux principalement. Moi y a un gars que j'aime bien, je trouve qui a un avis archi neutre à chaque fois et en fait ça se voit, il donne pas son avis, juste, il dit. Il s'appelle [nom de l’influenceur]. Et juste pour être au courant de l'actualité de ce qui se passe comme ça, autant que ça soit la guerre en Ukraine … Je suis pas le journal ou des trucs comme ça. Enfin je sais que tu sais que je lis pas le journal, personne a le journal. »
D., 20 ans
D'autres formes de participation citoyenne plus attractives pour les jeunes ?
Les jeunes et le budget participatif : en hausse, mais encore sous-représentés
Le budget participatif est un dispositif porté par la Ville de Grenoble à destination des associations et toute personne de plus de 16 ans qui souhaiteraient proposer un projet ou une idée à Grenoble, bénéficier d’un budget d’investissement de la Ville et d’un accompagnement (de la conception à sa réalisation du projet). Dernièrement, la participation des 16-18 ans est en hausse : ils/elles ont été 215 à voter lors du budget participatif de 2020 (contre 190 en 2019) ; la tendance est inverse chez les 19-24 ans, à l’image de l’ensemble des tranches d’âge, qui ont quantitativement moins voté que l’année précédente. Toutefois, les jeunes votants restent sous-représentés (15 %) par rapport à leur poids démographique dans l’ensemble de la population (20 %). Les données les plus récentes doivent être actualisées, d’autant que lors du Forum des idées de 2022 (présentation de l’ensemble des projets), les 16-18 ans représentaient respectivement près de 10 % et 11 % des participant-es (contre 2 % et 9 % environ des éditions précédentes).
Le tirage au sort pour rééquilibrer l'intergénérationnel dans les dispositifs participatifs
Dans une évaluation de ses dispositifs de tirage au sort, la Ville de Grenoble note une meilleure représentativité de la population grâce à ce mode de recrutement des participants : les personnes impliquées comptent davantage de jeunes par tirage au sort que par rapport aux dispositifs classiques de volontariat, se rapprochant de la structure par âge de la population telle que décrite par l'Insee.

D'un point de vue plus qualitatif, des participants tirés au sort pour faire partie de la Convention citoyenne métropolitaine pour le climat (CCC) expriment, dans des entretiens menés en 2024, leur doute initial quand ils apprennent avoir été tirés au sort pour représenter les habitants du territoire métropolitain à cette occasion, mais également leur curiosité face au dispositif.
"J'ai été tiré au sort à partir de listes téléphoniques. C'était la première fois que quelque chose comme ça m'était proposé. Je ne m'étais jamais engagé avant, je ne voyais pas ce que je pouvais changer à mon échelle. Le tirage au sort était plutôt bien fait, il y avait des gens de toutes les générations, de tous les milieux sociaux, des personnes avec des expériences très différentes. Moi j'ai posé des questions par rapport à la convention nationale, pour accepter d'être dans la liste. [...] J'étais un peu sensibilisé [à l'écologie] mais pas engagé, parce que je n’avais pas l’impression de pouvoir faire quelque chose. Je n’ai pas fondamentalement changé d’avis mais ça m’a fait prendre conscience de l’ampleur de certaines choses. L’impact de la viande ou de la voiture en particulier."
F., 28 ans au moment de la CCC
"C’est mon frère qui a été tiré au sort. On a le même profil, on habite au même endroit. Mon frère était pas disponible mais moi ça m'a intéressé, alors j'ai été rappelé. J'ai dit oui rapidement, parce que ça fait pas mal d’années que ça me travaille. [...] c’est pas avec des petits gestes qu’on va beaucoup bouger, moi je m’intéresse au côté politique. Je ne me faisais pas d’illusion non plus, j'étais un peu méfiant suite à l'exemple de la convention nationale. Mais j'étais curieux de vivre ça, de voir la méthode."
A., 25 ans au moment de la CCC
Les deux membres de la CCC sont lucides sur les limites de l'exercice, tant sur la forme (prise de parole par les plus à l'aise, temporalité très contrainte, difficulté à s'accorder collectivement sur le niveau d'ambition, etc.) que sur le fond (propositions initialement ambitieuses réduites, cadre réglementaire, compétences des collectivités encadrées, etc.). Sur l'aspect intergénérationnel du dispositif, ils soulignent la grande plus-value de discuter entre générations, mais ils évoquent aussi certaines difficultés en séance sur les prises de parole et sur la manière de considérer les changements :
"En étant jeune j’ai l’impression qu’on a plus de mal à s’affirmer. J’ai l’idée qu’on devient plus sûr de soi avec l’âge, pour parler en public, pour parler posément. Parmi les personnes qui parlaient le plus, il y avait peu de jeunes, que les boomers. J’ai peut-être un biais. Faut remettre dans le contexte, les délais étaient super serrés et on avait très peu de temps [de débat] par proposition."
A., 25 ans au moment de la CCC
"Je m’autocensure, je suis impressionné par ceux qui arrivent à faire des grands discours. Ce n’est pas qu’une question d’âge. [...] Je pense que les jeunes avaient moins d’habitudes, ou de peur de changement. C'est moins difficile d’envisager le changement quand on est jeune. Moi je n’ai pas peur du changement. Je n’ai pas d’idée pourquoi. J'ai beaucoup discuté, j’ai essayé d’échanger avec tout le monde, il y avait des groupes qui se formaient. C’était intéressant d’apprendre ce qui motivait les autres. Je suis rentré en empathie avec ceux qui estimaient ne pas pouvoir changer leur confort."
F., 28 ans au moment de la CCC
Des jeunes qui manifestent des préoccupations sociétales
Auto-censure, réserve et conscientisation
Plus largement, alors que la plupart des jeunes rencontrés pour l'ABS de la Ville de Grenoble déclarent « ne pas s’intéresser à la politique », beaucoup manifestent un avis argumenté sur des débats législatifs, sur certaines mesures gouvernementales ou sur des enjeux sociétaux. A l’image des décisions prises pendant la crise sanitaire, certains jeunes rencontrés ont dénoncé des décisions récentes. Certains ont pu se déclarer « illégitimes » pour énoncer un avis politique sur telle question, ou ne pas se rendre compte que leur position sur tel ou tel sujet était éminemment politique. Ce constat vient réinterroger le sens même de « politique » qui ne semble pas être perçu et exprimé de la même manière par les personnes rencontrées.
« Là ils sont en train de nous dire « n’allumez pas les fours entre 18h et 20h, éteignez les climatiseurs », mais toi tu prends un jet privé pour aller voter, qu’est-ce que tu racontes ? (…) Ils sont venus avec leur chauffeurs privés, ils passent à la télé ils nous disent : oui, ne vous chauffez pas ; mettez des plaids. Mais déjà avant ça on n’arrivait pas à vivre. Les étudiants, les familles modestes … mais alors là … Puis ils nous parlent de capitalisme vert, de transition écologique, et ils viennent de rouvrir une centrale nucléaire … L’Europe vient de faire passer une loi comme quoi les centrales nucléaires c’était une énergie verte … et bon si l’Europe le dit ! On a fait 100 ans de marche arrière, que ça soit et sur les idées politiques, et sur les modes de vie »
Une participante, 22 ans
Des préoccupations multiples
Plusieurs sujets pouvant faire l’objet d’une « préoccupation » particulière ont été listés dans l’enquête menée dans le cadre de l’ABS 2022 du CCAS de Grenoble. Ces derniers ont été identifiés à partir d’échanges réalisés auprès des professionnel-les mais également des jeunes dans le cadre d’entretiens individuels et collectifs. Les jeunes ont majoritairement déclaré être préoccupés par les différents sujets proposés.


Peu de différence de genre ou d’âge sont observées selon les différentes préoccupations des jeunes. De faibles écarts sont constatés selon l’origine sociale : en effet, si la situation sanitaire semble davantage préoccuper les jeunes d’un milieu social considéré comme « très modeste », c’est l’inverse pour la situation environnementale, qui semble préoccuper davantage les jeunes issus d’origine sociale aisés (le taux reste néanmoins élevé pour l’ensemble). Aussi, la question de l’« avenir » semble être davantage un sujet de préoccupation pour les jeunes les plus modestes que pour les plus aisés.
La question des discriminations notamment est choisie par la quasi-totalité du panel constitué par ces jeunes grenoblois. Rapporté à l'enquête nationale Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS) de l'Insee en 2022, ce résultat prend une dimension particulière quand il est mis en lien avec le fait que les jeunes sont nettement plus souvent victimes de discriminations que la moyenne, mais aussi d'injures et de violences sexuelles. Par ailleurs, ces jeunes déclarent une satisfaction significativement moindre que les plus âgés vis-à-vis de l’action des forces de sécurité intérieure au niveau national (43 % contre 67 %).
Une autre illustration nationale d'un décalage générationnel concernant les discriminations, est apportée par le rapport annuel 2024 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie publié par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Cette institution relève que les jeunes générations adhèrent moins aux clichés racistes que leurs aînées : "L’année 2024 révèle une forte « polarisation générationnelle » : les cohortes récentes voient leurs niveaux de tolérance, déjà hauts, progresser, tandis que ceux des cohortes les plus anciennes stagnent ou reculent sur ces questions. La génération la plus récente, née en 1987 et après, est la seule dont l’indice a systématiquement progressé depuis 2019 et elle atteint un record historique cette année. Et on compte désormais 25 points d’écart entre son niveau de tolérance et celui des cohortes nées avant 1956." Une évolution que le rapport attribue, entre autres, à une population de plus en plus diverse en termes d’origines. 10 % des membres de la génération née après 1990 sont des descendants d’étrangers extra-européens. Bref, « avec le renouvellement générationnel, la diversité des origines se banalise. »
L'enquête du Crédoc menée entre décembre 2023 et janvier 2024 sur les Conditions de vie et aspirations de la population française laisse apparaître une préoccupation plus marquée des jeunes générations vis-à-vis de l'environnement : "les moins de 25 ans sont les plus inquiets, que ce soit face à la dégradation de l’environnement (un tiers des plus jeunes la mentionnent dans leurs sujets de préoccupations, contre un quart de la population), aux conséquences du changement climatique (65 % contre 60 % en population générale) ou à l’atteinte à la biodiversité."
Des jeunes qui privilégient l'action ?
Manifestation, pétition et grève : des moyens privilégiés d'expression
De mai 1968 au contrat Première Embauche, en passant par le plan Juppé de 1995 ou la loi travail de 2016, la vie politique de la Ve République est émaillée des mobilisations portées par les jeunes, en lien avec d'autres groupes sociaux. Il est délicat de dénombrer précisément la part des jeunes impliqués de près ou de loin dans ces faits sociaux. Le Baromètre DJEPVA analysé par l'INJEP et le Credoc fournit des éclairages. Quand on pose la question de l'implication à travers différentes formes d'engagement au cours des 12 derniers mois, les jeunes de 18 à 24 ans sont proportionnellement plus nombreux que les autres tranches d'âge à adhérer à un parti politique, participer à une consultation ou une manifestation, signer une pétition, etc. au niveau national.

Localement, l'enquête Pratiques Ecologiques issue du Baromètre des Transitions a abordé la participation à une marche pour le climat, dans laquelle 20 % des répondants tous âges confondus déclarent avoir participé au moins une fois. Une légère corrélation est observée avec l'âge, notamment sur les catégories les plus jeunes et les plus âgées. Ainsi, parmi les personnes interrogées ayant participé au moins une fois à une marche pour le climat, 48 % on moins de 35 ans alors qu'elles représentent 35 % de l'échantillon total. Alors que 28 % des moins de 25 ans ont participé à une marche pour le climat, 69 % disent qu’ils participeront peut être ou de manière certaine à une prochaine marche.
En 2021, une autre enquête nationale sur la sociologie du mouvement climat - dépassant la participation à une marche pour le climat et explorant d'autres pratiques militantes - relève que "le mouvement [ climat ] est porté par une large proportion de jeunes voire de très jeunes individus, là encore une particularité remarquable comparé à d’autres mouvements sociaux plus traditionnels. Ainsi, parmi les répondants à notre enquête, un quart a entre 15 et 24 ans et plus de la moitié entre 15 et 34 ans."
Parmi d'autres mobilisations au niveau national, les prises de position d'élèves de grandes écoles, notamment à l'occasion de leurs remises de diplôme, ont été particulièrement médiatisées depuis 2020. Prônant une meilleure prise en compte de l'environnement, du vivant, des droits humains et de la démocratie, ces jeunes remettent en cause le contenu de leur formation au regard des alertes scientifiques, le modèle de réussite prôné par leur école ou encore le partenariat entre leur école et des entreprises considérées comme non exemplaires.
Dans l'enquête de l'ABS de la Ville de Grenoble, plus de la moitié des jeunes a déclaré avoir déjà participé à une action collective pour défendre une cause, quelle qu'elle soit (manifestation, grève, pétition, s’engager dans une association militante, etc.). La proportion est plus élevée chez les jeunes déclarant une origine sociale aisée (67 %) que parmi les plus modestes (35 %). A noter que 28 % des jeunes ayant pourtant déclaré un intérêt faible ou moyen à la politique ont déjà participé à ce type d’actions collectives.
Dans l'enquête Work, gender covid de 2023 menée par Grenoble Ecole de Management, la participation à une action collective pour résoudre un problème à l'échelle du quartier, de la commune ou autre apparaissait progressive selon les âges, de 15 % pour les 18-25 ans à 40 % chez les 65-75 ans. L'apparente contradiction entre les résultats peut notamment provenir de la manière dont sont formulées questions et réponses dans les différentes enquêtes.
Bénévolat et encouragement des pratiques écologiques : les jeunes s'impliquent
L'enquête Etat d'esprit et engagement des jeunes menée par l'INJEP et le CREDOC relève qu'en mars-avril 2024, 30 % des jeunes âgés de 15 à 30 ans déclarent avoir donné bénévolement du temps au sein d’une association au moins une fois par mois, au cours des douze derniers mois, contre 20 % des 31 ans et plus. Le sport ainsi que la culture et les loisirs sont les premiers domaines d'investissement bénévole, tandis que l'action humanitaire et l'environnement rassemblent 22 % et 21 % des bénévoles réguliers. Une augmentation de cette pratique déclarée qui se retrouve également dans l'enquête France Bénévolat citée par l'INJEP et le Crédoc, puisqu'entre 2010 et 2023, la part des moins de 35 ans bénévoles dans une association est passée de 16 à 25 % (et de 19 à 25 % entre 2022 et 2023), alors que les 65 ans et plus voient leur engagement en retrait de 38 % à 25 %.
Ces tendances nationales ne se retrouvent pas tout à fait localement, en gardant à l'esprit que la formulation des questions n'est pas identique entre les deux enquêtes. En effet, dans l'enquête Work, Gender, Covid menée en 2023 par Grenoble Ecole de Management sur le territoire de la métropole grenobloise, il est demandé si les personnes participent aux activités d'un club ou d'une association, ce qui ne signifie pas donner du temps bénévolement. A cette question de participation, les réponses positives augmentent quasi linéairement selon l'âge, depuis 41 % pour les 18-25 ans jusqu'à 58 % pour les 65-75 ans.
Dans l'enquête menée par Grenoble Ecole de Management et Grenoble Alpes Métropole sur les pratiques écologiques avec le soutien de l'Ademe, deux questions portent sur l'encouragement des proches à prendre des habitudes de consommation pour lutter contre le changement climatique : avez-vous reçu ou donnez-vous ce type de conseil ? 68 % des personnes interrogées déclarent encourager des personnes de leur famille proche à prendre des habitudes de consommation pour lutter contre le changement climatique, 52 % auprès de leur cercle amical. Cette incitation est corrélée avec la participation au marche pour le climat. Une personne qui a participé à une marche pour le climat portera plus fréquemment auprès de son entourage des changements de consommation. Les moins de 35 ans incitent davantage aux changements de pratiques auprès de leurs proches que les autres catégories d'âges.
Des régimes alimentaires plus respectueux chez les jeunes, par contrainte ou par choix
Dans l'enquête menée par Grenoble Ecole de Management et Grenoble Alpes Métropole sur les pratiques écologiques avec le soutien de l'Ademe, 35 % des jeunes déclarent un régime alimentaire sans viande rouge, contre 14 % des 36-49 ans et des plus de 65 ans. Elargi à l'ensemble des protéines d'origine animale, on constate que les étudiants constitue l'un des groupes sociaux consommant le moins de produits d'origine animale, même si un sous-groupe parmi eux en consomment beaucoup.
Plusieurs facteurs sont susceptibles d'expliquer cette différence : le goût, le prix de la viande (les jeunes ayant globalement un pouvoir d'achat moindre que le reste de la population), le temps passé en cuisine, les croyances et connaissances liées à la santé et la nutrition, mais aussi les convictions écologiques (la viande rouge est très émettrice de CO2 et consommatrice d'eau et d'espace comme expliqué dans le RC Alimentation) ou en matière de rapport aux animaux.
Sur d'autres pratiques liées à la consommation et l'environnement étudiées par l'enquête pratiques écologiques, les jeunes de 18 à 25 ans apparaissent moins vertueux que les autres tranches d'âges, par exemple les pratiques de tri et de gestion des déchets, de réduction de la consommation des appareils domestiques, de lessives à froid. En revanche, c'est le groupe qui a le plus recours à la réparation de smartphone.
Enfin, focus sur l'utilisation régulière du vélo, une autre pratique considérée comme "engagée" : les jeunes de 18 à 25 ans du bassin de mobilité grenoblois étaient en 2010 le groupe le plus utilisateur de vélo au quotidien avec les 25-34 ans. Alors que l'ensemble des autres tranches d'âge progressent sensiblement entre 2010 et 2020, la pratique cycliste chez les 18-25 ans stagne d'après les enquêtes mobilité locales.

Au delà du vélo, les 18-24 ans représentent 50 % des usagers des trottinettes en libre-service (SMMAG, 2021).
Bibliographie et sources (tous les liens indiqués ont été visités en juin 2025) :
Jourdain, V. & Ottaviani, F. (2023), Rapport d’enquête. Pratiques Ecologiques, Grenoble Ecole de Management, Grenoble Alpes Métropole, ADEME, mai 2023, https://gem-strapi-media.s3.sbg.io.cloud.ovh.net/Rapport_pratiques_ecologiques_Barometre_2023_23e535d575.pdf.
CCAS de la Ville de Grenoble, ABS 2022 de la Ville de Grenoble, https://www.calameo.com/read/0041903768c8f059ae319
Chloé Alexandre - Florent Gougou - Erwan Lecoeur - Simon Persico Sciences Po Grenoble, Université Grenoble Alpes, PACTE, Rapport d'étude "Grande enquête Mouvement climat" https://shs.hal.science/halshs-03342838/document, septembre 2021
Élisabeth Algava, Kilian Bloch, "Vingt ans de participation électorale", Insee Première n°1929, décembre 2022, https://www.insee.fr/fr/statistiques/6658143
Nathalie Stephan, "3,4 millions d’électeurs ont établi une procuration pour les élections législatives de 2024", https://www.insee.fr/fr/statistiques/8261205 Insee Focus n°336, octobre 2024
Millot C., Nedjar Calvet S. (CRÉDOC), Charruault A. (INJEP), 2024, État d‘esprit et engagement des jeunes en 2024, Résultats du baromètre DJEPVA sur la jeunesse, https://www.credoc.fr/publications/barometre-jeunesse-2024-etat-desprit-et-engagement-des-jeunes, INJEP Notes & rapports,
Hélène Blake, "Fiscalité environnementale: les Français partagés entre conscience écologique et rejet de la pression fiscale", https://www.credoc.fr/publications/fiscalite-environnementale-les-francais-partages-entre-conscience-ecologique-et-rejet-de-la-pression-fiscale, CREDOC, Consommation & Modes de Vie N°CMV344, décembre 2024
IPSOS,"Une participation exceptionnelle dans tous les électorats - Législatives 2024" juin 2024, https://www.ipsos.com/fr-fr/legislatives-2024/une-participation-exceptionnelle-dans-tous-les-electorats-legislatives-2024
CNCDH, Lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie : la CNCDH publie son rapport 2024, juin 2025 https://www.cncdh.fr/actualite/lutte-contre-le-racisme-lantisemitisme-et-la-xenophobie-la-cncdh-publie-son-rapport-2024
Insee, "France, portrait social 2024", https://www.insee.fr/fr/statistiques/8242369?sommaire=8242421, novembre 2024
Obs'y, "Alimentation : des pratiques qui évoluent en fonction du niveau de revenu et des représentations", https://www.obsy.fr/article/alimentation-des-pratiques-qui-%C3%A9voluent-en-fonction-du-niveau-de-revenu-et-des-repr%C3%A9sentations
Agence d'urbanisme de la région grenobloise, Zoom usages et usagers du vélo. Constats, enjeux et leviers, https://basedoc.aurg.fr/dyn/portal/digidoc.xhtml?statelessToken=dmw97-8JbVgETjup_k9lXd14B5rDm6JsTEYJD4Shtgw=&actionMethod=dyn%2Fportal%2Fdigidoc.xhtml%3AdownloadAttachment.openStateless, juin 2023



