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Perceptions des maux et des mots de l’écologie sur le territoire de la métropole grenobloise

Jourdain, V. & Ottaviani, F. (2023), Rapport d’enquête. Pratiques Ecologiques, Grenoble Ecole de Management-Grenoble Alpes Métropole-ADEME, mai. 

 

 

Réchauffement planétaire, pollution et disparition de la biodiversité : les 3 préoccupations environnementales majeures des habitants de la métropole

L’enquête « pratiques écologiques » a été passée auprès d’un panel représentatif de la métropole grenobloise entre avril et mai 2023. Parmi toute une série de questions sur les représentations et comportements, les habitants étaient interrogés sur ce qui les préoccupait le plus en matière d’environnement. En 2021, la même question avait été posée à un panel français.

Ces questions permettent de mesurer la diffusion des connaissances sur les limites planétaires, anciennes et très documentées scientifiquement. L’enquête « Pratéco » explore la compréhension qu’ont les personnes des contributions aux changements climatiques, la manière dont ils priorisent l’urgence environnementale et le niveau d’action qui leur parait pertinent.

Question 1 : Parmi les problèmes suivants liés à la dégradation de l’environnement, quel est celui qui vous paraît le plus préoccupant ? 

Cette première question vise à comprendre la façon dont les individus hiérarchisent les problèmes environnementaux.  

 COMPARAISON avec EPEM2021 :  

 

Cette question est issue de l’enquête nationale sur les pratiques environnementales des ménages (EPEM)¹. Deux choix étaient possibles, parmi 8 problèmes environnementaux proposés.  

Trois options de réponse ont été ajoutées par rapport à l’enquête EPEM : « les risques industriels » ; « la raréfaction des ressources naturelles » ; « autre ». A l’inverse, notre questionnaire n’incluait pas l’option « aucun »  

Le graphique suivant permet d’observer les réponses dans l’enquête « Pratiques Ecologiques », et de les comparer avec celles d’EPEM 2021. Cette question traduit un ordre de priorité entre différentes préoccupations environnementales puisque deux réponses seulement sont possibles pour les enquêtés. 

préoccupation dégradation enviro.JPG

Légende : 9 % des habitants du territoire grenoblois interrogés considèrent l’augmentation des déchets des ménages comme l’une des deux préoccupations environnementales majeures pour elles. 

  • les habitants du territoire grenoblois sont, comme tous les français, principalement préoccupés par le réchauffement de la planète. Il est, de loin, le plus préoccupant pour les répondants de l’enquête « Pratiques Ecologiques », comme au niveau national. Près de 60 % des répondants le classent parmi l’un des deux problèmes les plus préoccupants.

  • la pollution de l’air est le 2ème élément le plus marquant pour les métropolitains : il est ici à noter que cette préoccupation est au même rang que pour l’ensemble des français (30%) alors que la perception de la pollution est beaucoup plus marquée en ville et spécifiquement sur le territoire de la métropole grenobloise. On constate une moindre priorité accordée à ce sujet alors que la pollution de l’air ressortait comme la première préoccupation des métropolitains dans les enquêtes IBEST 2012 et 2017 (avec les mêmes modalités de réponse).

  • « La disparition de certaines espèces animales ou végétales » préoccupe davantage les habitants du territoire que la moyenne des français, alors même que l’enquête locale a intégré d’autres modalités de réponse, ouvrant la possibilité de davantage « disperser » les votes. Il y a donc ici une perception claire des enjeux de biodiversité.

  • Le sujet de la « raréfaction des ressources naturelles » a été proposé, contrairement à l’enquête nationale, car il est devenu particulièrement d’actualité après la crise Covid et la guerre en Ukraine. Il est considéré comme prioritaire par 15% des répondants, au même niveau que la pollution des eaux.

  • Les catastrophes naturelles, la pollution des eaux et l’augmentation des déchets sont moins mentionnés comme prioritaires par rapport à l’échelle nationale. Toutefois, cette comparaison est à interpréter avec prudence étant donné que l’enquête « Pratiques Ecologiques » propose plus de modalités de réponse que l’enquête EPEM.  

Question 2 : Pour chacune des activités que je vais vous citer, dites-moi si, d'après ce que vous savez, elle émet beaucoup, assez, peu ou pas du tout de gaz à effet de serre 

Comparaison avec ADEME (2021) :  

Cette question est issue de l’enquête annuelle de l’ADEME « Représentations sociales du changement climatique » (2021). Les modalités de réponses diffèrent dans la mesure où l’ADEME propose « beaucoup, assez, peu ou pas du tout de gaz à effet de serre », et où l’enquête « Pratiques Ecologiques » propose « pas du tout, peu, pas mal ou beaucoup ». Deux items de réponse sont présents dans l’enquête de l’ADEME et pas dans l’enquête « Pratiques Ecologiques » : il s’agit du « secteur numérique » et du « secteur industriel ».  

Pourcentage de personnes considérant que les activités mentionnées génèrent des gaz à effe

Légende : 33 % des répondants de l’enquête « Pratiques Ecologiques » considèrent que les centrales nucléaires génèrent pas mal ou beaucoup de gaz à effet de serre alors que 53 % des répondants à l’enquête nationale ADEME jugent que les centrales nucléaires émettent assez ou beaucoup de gaz à effet de serre. 

Les répondants à l’enquête « Pratiques Ecologiques » ont globalement les mêmes avis sur ces sources d’émission de gaz à effet de serre. Notons toutefois qu’ils pointent davantage les secteurs du transport et du bâtiment (10 points de plus qu’au niveau national en moyenne) ou l’agriculture, et moins le nucléaire, l’activité volcanique ou la gestion des déchets².  

A la lecture de ces résultats, on peut inférer que les répondants sont plus informés et plus conscients de sources d’émissions de gaz à effet de serres liées aux pratiques alimentaires, domestiques et de mobilité. Reste à savoir si ce surcroît de conscientisation a des effets sur les pratiques en question.  

 

Question 4 : Degré de responsabilité des individus/ménages dans la lutte contre la crise environnementale 

Comparaison avec EPEM 2021 :  

Cette question est issue d’EPEM. Elle est aussi une recombinaison à partir de questions relativement différentes. Dans EPEM, il est demandé aux participants « Qui devrait, selon vous, agir en priorité pour la protection de l'environnement ? », avec trois options de réponse : les ménages, les entreprises, les pouvoirs publics. Dans l’enquête « Pratiques Ecologiques », la question est similaire « Selon vous, la crise écologique doit d'abord être gérée par : », mais les options de réponses différentes, puisqu’elles désignent des échelles, et non des types d’acteurs. Cinq options de réponses étaient proposées : « L'action individuelle », « L'action collective au niveau local », « L'action collective au niveau national », « L'action collective au niveau international », « Personne ». La très grande majorité des personnes considère que la crise écologique doit d’abord être gérée de manière collective.  

C’est l’échelle internationale qui est la plus plébiscitée (51 %), puis l’échelle nationale (18 %) et enfin l’échelle locale (13 %). Ainsi, seulement 17 % des personnes considèrent que c’est l’action individuelle qui doit prévaloir. Ce pourcentage est identique à celui de l’action promue à l’échelle des ménages dans l’enquête EPEM (CAMME) 2021.  

Question 5 : Selon vous, quelles sont les sources de pollution de l'air les plus préoccupantes près de chez vous ? (ADEME 2021) 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les personnes interrogées identifient bien les trois principales sources de pollution de l’air dans la Métropole : les transports, l’industrie et le chauffage au bois domestique. Il n'y a toutefois pas de différence significative entre le national et le local sur la perception des émissions liées au chauffage au bois alors même que cela constitue un enjeu fort sur le territoire grenoblois. Les répondants de l’enquête « Pratiques Ecologiques » sont par contre plus soucieux de la circulation routière que les répondants du Baromètre national de l’ADEME. Les caractéristiques urbaines et géographiques de l’agglomération, qui font d’elle une « cuvette » et un espace de congestion automobile important, jouent sans doute un rôle dans cette structuration des réponses.  

 

 

 

Les mots de l’écologie : conceptualiser les transitions environnementales  

 

Question 6 : Degré de connaissance et d’adhésion à différents concepts politiques relatifs à l’environnement 

 

Parce que les enjeux environnementaux ne sont pas uniquement compris à travers une interprétation scientifique, ou du moins chiffrée, des rapports entre les sociétés humaines et l’environnement, il est nécessaire d’interroger les répondants sur leurs rapports à différents concepts et projets « politiques » relatifs à l’environnement. Nous avons ainsi sélectionné cinq termes relatifs à des concepts jugés proéminents dans les débats politiques portant sur l’environnement. Ils ont en commun d’être des concepts transversaux et de ne pas être spécifiques à un thème ou un secteur donné. Il s’agit de « sobriété », « décroissance », « frugalité », « développement durable » et « économie circulaire »³. Nous avons donc évalué le degré de compréhension et d’adhésion des répondants à ces cinq concepts. La question suivante a été posée pour chaque concept : « que pensez-vous de ce concept », avec trois options de réponses :  

  • « Je ne le comprends pas »  

  • « Je le comprends mais n’y adhère pas »  

  • « Je le comprends et j’y adhère »  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce premier tableau montre que le développement durable est de loin le concept le mieux compris par les répondants : seulement 3 % d’entre eux déclarent ne pas le connaître. A l’inverse, la frugalité est assez peu comprise, puisque 33 % des répondants déclarent ne pas connaître ce concept. Entre les deux, sobriété, décroissance et économie circulaire sont compris par plus de 80 % de la population.  

Les questions portant sur le degré d’adhésion des répondants fait apparaître deux groupes : les concepts emportant un haut degré d’adhésion (sobriété, économie circulaire et développement durable) et ceux qui sont contestés (frugalité et décroissance). Dans cette dernière catégorie, décroissance fait écho aux débats actuels sur cette notion puisqu’environ la moitié des individus disant connaître ces concepts déclarent ne pas y adhérer. 

 Pour creuser cette question, un très court e-book a été publié aux PUG par les auteurs de l’étude, à partir des données grenobloises. Accessible ici : https://www.pug.fr/produit/1996/9782706153198/de-quoi-la-sobriete-est-elle-le-nom/preview?escape=false#lg=1&slide=0

Question 7 : Niveau d’adhésion et d’estimation de la probabilité de réalisation de différents scénarios de l’ADEME 

Nous avons également évalué la façon dont les répondants pouvaient se projeter dans l’un des 4 scénarios récemment établis par l’ADEME pour viser la neutralité carbone en 2050. Ces derniers étaient succinctement présentés, à l’aide de nuages de mots représentant les principales orientations de chaque scénario. Pour rappel, les scénarios « génération frugale » (S1) et « coopérations territoriales » (S2) sont très axés sur la réduction de la demande et la redéfinition des besoins quand les deux autres scénarios « technologies vertes » (S3) et « pari réparateur » (S4) activent davantage le levier efficacité/optimisation via la découverte de nouvelles technologies. 

Après lecture de ces nuages de mots, les individus étaient amenés à répondre à deux questions : « Lequel de ces quatre scénarios vous semble le plus probable ? », puis « Lequel de ces quatre scénarios vous semble le plus désirable ? ».

 

Ces résultats montrent une forte attractivité des premiers scénarios, et en particulier du deuxième « Coopérations territoriales ». A l’inverse, les scénarios jugés les plus probables sont les derniers. Le « Pari réparateur » concentre toute l’ambiguïté de ces projections, puisqu’il est à la fois le scénario le moins désiré et jugé le plus probable. Ces conclusions rejoignent celles tirées de l’étude qualitative de l’ADEME⁴ à l’échelle nationale. Cet écart entre ce qui est désiré et jugé probable interroge sur la capacité de changements des personnes, des collectifs, des infrastructures et des technologies et soulèvent de nombreuses controverses sur les chemins d’une sobriété qui ne serait pas subie.   

Tous ces scénarios impliquent des changements collectifs. Pourtant, quand on demande aux enquêtés ce qu’ils mettent derrière le concept de sobriété, c’est le terme « consommation », et « modération » qui ressort largement et qui est donc plutôt relié au niveau individuel. Ci-dessous, on représente le nuage de mot issu de l’analyse textuelle des réponses ouvertes à « Pouvez-vous nous dire en quelques mots ce que [la notion de sobriété] signifie pour vous ? ». Cette analyse, effectuée par l’entremise de logiciel gratuit Alceste⁵, donne à voir l’importance des thématiques de consommation et de modération, notamment lorsqu’on procède à une comparaison avec les autres concepts abordés.  

 

Comparaison avec ADEME (2021) :  

Cette question est issue de l’enquête annuelle de l’ADEME « Les Français et l’environnement » (2021). Par rapport au questionnaire ADEME, nous n’avons pas proposé les options de réponse « aucun », « une autre source » et « ne se prononce pas », qui représentent 15 % des réponses en cumulé. Nous avons donc exclu ces réponses du calcul de pourcentage de réponses dans le Baromètre ADEME. De plus, plusieurs choix étaient possibles dans le questionnaire ADEME. Nous avons donc, pour chaque option de réponse, pris la part qu’elle représentait dans le pourcentage cumulé et ramené ce pourcentage sur 100.  

sources pollutions de l'air.JPG

Légende : 39 % des enquêtés de l’ADEME à l’échelle nationale jugent que la circulation routière est la source de pollution de l’air la plus préoccupante près de chez eux. Dans la métropole grenobloise, 65 % des enquêtés considèrent la même chose. 

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Légende : 36 % des enquêtés disent comprendre le concept de frugalité mais ne pas y adhérer.  

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Légende : 5 % des répondants ne savent pas ce qu’est le scénario de l’ADEME le plus désirable et 7 % ne savent pas ce qu’est le scénario le plus probable. 26 % jugent que le scénario 1 « génération frugale » est le plus désirable des quatre scénarios, et 7 % jugent que c’est le plus probable.  

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Zoom méthodo : le baromètre des transitions

Le projet « Baromètre des transitions » est développé en coopération entre Grenoble Alpes Métropole, Grenoble Ecole de Management (GEM) et l’ADEME sur un horizon de trois ans. Le projet « Baromètre des transitions » vise à :   
- ​Enquêter de manière régulière auprès des habitants du territoire métropolitain grenoblois sur leurs représentations des enjeux environnementaux, leurs comportements, les leviers d’accompagnement au changement, la réception voire les effets des interventions métropolitaines dans ce domaine. 

- Dresser des profils qui permettent de mieux cibler le niveau attendu et les modalités d’un accompagnement au changement de pratiques ou comportements vers plus d’écoresponsabilité : typologies par âge/moments de vie, catégories socio-professionnelles/niveau de revenus, territoire/type d’habitat et mode de vie urbain ou rural… 

- Evaluer la réception, par les habitants, des dispositifs (offre de service public, aménagements, réglementation, campagne de communication, etc.) existants ou avant même leur mise en service, afin de tester leur recevabilité et les conditions de leur réussite, selon les profils.  
 

                                     

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La première enquête du Baromètre permet d’aborder de manière transversale les pratiques sociales en matière environnementale.              

Le projet « Baromètre des transitions » s’appuie sur un Panel de recherche territorialisé lancé en mai 2020 par GEM. Les participants sont des résidents des 49 communes de Grenoble Alpes Métropole invités à participer à des études en ligne régulières sur des sujets d’actualité liés au territoire. Une seule personne par foyer peut participer au Panel. Le Panel est régi par un conseil scientifique de professeurs de GEM qui valide le choix des études distribuées par le panel. Fondé sur le modèle d’autres panels de recherche, comme celui de l’Université d’Aarhus au Danemark, le panel permet à tout habitant de la Métropole de plus de 18 ans, non salarié(e) ou étudiant(e) de GEM, de s’inscrire sur une plateforme dédiée, et de recevoir régulièrement des invitations à participer à des études en ligne indemnisées.  

Chaque étude prend la forme d’un questionnaire à remplir en ligne, d’une durée de 30 minutes environ et d’une indemnisation à hauteur de 5€. 

¹ https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/enquete-sur-les-pratiques-environnementales-des-menages-epem-2016?list-enquete=true

² A titre de comparaison, il est estimé qu’au niveau français, en 2018, 70% des émissions de GES sont dues à l’utilisation d’énergie, 9,2% sont dues à l’industrie (hors utilisation d’énergie), 16,8% sont dues à l’agriculture et 3,9% sont dues aux déchets et à leur gestion. Dans la part représentée par l’utilisation d’énergie, 41% est liée aux transports, 25% au résidentiel et au tertiaire, 13% à l’industrie et à la construction, 12% à la production d’électricité et 9% à la production d’énergie hors électricité (SDES, 2021, chiffres clés du climat).

³ Seul l’« économie circulaire » semble un peu plus spécifique, puisqu’il se rapporte principalement, dans son usage habituel, à la circulation de matières et à une attention portée à la réutilisation des déchets.

⁴ Thiriot, Sarah (2022), Transition 2050, Choisir maintenant pour le climat, Feuilleton Modes de vie. Analyse de la désirabilité, de la faisabilité et des conditions de réalisation des scénarios, ADEME, Feuilleton Modes de vie - ADEME.

⁵ Bart, D., 2011. L’analyse de données textuelles avec le logiciel ALCESTE. Recherches en didactiques 12, 173–184. https://doi.org/10.3917/rdid.012.0173

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