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Fiona Ottaviani

Associate professor, Grenoble Ecole de Management, Chaire Paix économique, Chaire Territoire en transition

Pourquoi est-il indispensable étudier les modes de vie face aux enjeux de la soutenabilité sociale et environnementale ?

Tout d’abord, nos modes de vie sont enserrés dans des espaces institutionnels qui les conditionnent. Autrement dit, ils sont des reflets de la structure sociale : l’hyperconsumérisme, par exemple, n’est pas un choix individuel, mais une manifestation individuelle d’une norme collective liée à l’organisation de notre système socioéconomique. Il importe de saisir ces effets de conditionnements et de les étudier. Appréhender la diversité des modes de vie permet de comprendre la manière dont ils participent à créer une dynamique vertueuse ou vicieuse du point de vue du bien vivre pour la personne, les groupes sociaux et le vivant.

Ensuite, les modes de vie constituent des leviers de transformations pour faire face à la crise sociale et environnementale. Ces crises, qui sont interconnectées, nécessitent des réponses collectives et une mobilisation de l’ensemble des acteurs pour transformer les logiques d’actions. Beaucoup d’initiatives existantes témoignent de notre capacité à repenser individuellement et collectivement nos modes de vie : jardins collectifs, développement d’énergies citoyennes, systèmes d’échanges, tiers lieux, etc.

Les modes de vie sont ainsi tout à la fois des reflets et des leviers de transformation de notre système socioéconomique. Les débats sur le numérique témoignent de cette dualité : comment la technologie conditionne et conditionnera nos relations ? Comment pouvons-nous utiliser la technologie de manière à ce qu’elle soit un facteur d’émancipation et non une nouvelle cage dorée de la modernité ?

Enfin, l’étude des modes de vie montre qu’il n’y a pas une seule manière de vivre bien. Dès lors, les pouvoirs publics doivent accompagner la transformation socioécologique en intégrant ce pluralisme des valeurs. Intégrer cette pluralité n’a rien d’évident. Elle nécessite de prendre à bras le corps la question de la concurrence des usages sociaux : concurrence dans l’usage des temps, des espaces et des ressources à l’échelle collective. Comment lutter contre les inégalités dans le fait de disposer de son temps ? Contre les inégalités d’accès aux ressources ? D’utilisation de l’espace public et privé ?

Ces questions sont essentielles au regard des enjeux de la soutenabilité pour ne pas favoriser des modes de vie adaptés qu’aux plus nantis, au détriment des autres. Comme en témoignent des études conduites sur les parcs publics à Genève ou en Inde, les usages de ces espaces sont très différents d’un groupe social à l’autre. Les pouvoirs publics peuvent donc, en fonction de l’aménagement de l’espace, des horaires d’ouverture, etc., favoriser un groupe social au détriment d’un autre.

Dès lors, le défi est d’appréhender les modes de vie comme reflet de la structure sociale et comme levier de transformation dans une visée pluraliste. Cette visée pluraliste repose nécessairement sur une mise en débat démocratique sur ce qui est « soutenable ». Dès lors, l’approche est systémique au sens où elle conduit à considérer de manière holistique, globale, la personne et à repenser la transversalité de l’action publique. Pour cela, il faut mettre en œuvre des outils permettant de saisir les différentes formes d’interdépendances existantes. IBEST, sur le volet social, fait partie de la palette d’outils pour repenser les réponses à apporter aux besoins des populations en termes d’actions publiques. Penser la transversalité de l’action oblige dès lors à considérer les interdépendances à plusieurs niveaux. Tout d’abord, il nous faut connaitre les interdépendances sociales, écologiques et économiques. Ensuite, il nous faut considérer celles-ci de manière interscalaire (local, national, global), en intégrant une perspective historique sur les dynamiques collectives ayant mené à cette crise systémique, pour mieux y répondre. Un défi de taille pour les collectivités, mais incontournable.

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