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L’insécurité sociale en milieu rural en Isère
Insécurité sociale et précarité dans les territoires ruraux : des phénomènes moins prégnants qu’en milieu urbain, mais fortement corrélés à des « effets de territoire »
Si les territoires ruraux du département concentrent des niveaux de pauvreté près de 2,5 fois moins élevés que dans les grosses villes, le déficit et la dispersion des ressources locales dans ces territoires amplifie considérablement les fragilités sociales préexistantes. L’approche par les parcours de vie développée dans cette étude permet de caractériser les difficultés vécues et les mécanismes qui entrent en œuvre, afin d’en tirer des enseignements et ajuster l’action publique en conséquence.
¹
Dépasser l’approche statistique pour considérer les difficultés concrètement vécues et éprouvées
La caractérisation statistique de la pauvreté achoppe dans sa capacité à rendre compte des besoins réels des publics concernés. A niveau de ressources équivalent, le ressenti des niveaux de difficulté varie fortement. La précarité peut alors être envisagée comme une situation d’« insécurité sociale » durable, qui ne se limite pas à sa dimension monétaire et dont les origines sont à rechercher dans les configurations sociales, familiales, professionnelles… des personnes rencontrées. Elle se caractérise en particulier par un rapport à l’avenir constamment incertain et une incapacité à faire face à des aléas : la crainte quotidienne du « frigo qui lâche » ou de la panne de voiture.
Le « poids du territoire » comme amplificateur des difficultés sociales
Moins visible qu’en milieu urbain, la précarité dans les territoires ruraux reste néanmoins prégnante. De plus, les fragilités sociales préexistantes se trouvent renforcées par les spécificités de la ruralité, en ce qu’elles amoindrissent les capacités d’accès aux ressources essentielles telles que l’emploi, la formation, l’alimentation, les loisirs, mais aussi l’accès aux aides et prestations sociales.
L’offre de logements accessibles se fait rare et la localisation, comme la qualité du logement, tend à contraindre à des charges énergétiques et de déplacement pouvant s’avérer importantes, tout en exposant les personnes à des conditions de salubrité dégradées.
La capacité à se déplacer sur un territoire aux ressources plus limitées, plus éloignées et moins diversifiées, apparaît déterminante. Or, le caractère lacunaire des réseaux de transport en commun dès lors que l’on se trouve en dehors des axes principaux rend l’usage de la voiture incontournable. Le coût du carburant pèse lourd sur les budgets, tandis que l’entretien d’un véhicule devient aléatoire voire impossible. Les personnes dépourvues de véhicule ou de permis de conduire, ou à la santé précaire, connaissent davantage l’isolement.
Des situations-types et des fragilités spécifiques
L’étude donne à voir deux situations-types d’insécurité sociale : d’une part des situations « ancrées », qui font état de cumuls de fragilités qui s’auto-alimentent et se renforcent dans des effets de cercles vicieux et, d’autre part, des « accidents de parcours », où certaines fragilités sous-jacentes ne permettent pas d’« amortir » les conséquences d’un évènement particulier (perte d’emploi, séparation, problème de santé…).
Si ces situations-types se retrouvent dans les parcours observés, des mécanismes plus spécifiques touchent certains profils. Les jeunes, notamment lorsqu’ils sont issus de familles elles-mêmes modestes voire précaires, font l’objet d’un accès à l’autonomie à la fois compliqué par les interdépendances familiales, mais aussi par les difficultés de mobilité, les problématiques d’accès à la formation ou à des expériences professionnalisantes. Les femmes, tout en percevant des revenus globalement inférieurs à ceux des hommes, assument plus fortement les charges familiales et notamment celles liées aux enfants. Pour les séniors, le passage à la retraite nécessite la gestion d’une transition qui peut être fragilisante à plusieurs niveaux et concomitante à des perspectives d’évolution réduites : l’absence de patrimoine (financier, matériel, immobilier), la localisation des logements et leur praticité, les conditions de santé, l’absence de soutien ou au contraire les dépendances familiales, en sont les principales difficultés et ce, dans un contexte de diminution de l’autonomie.
De l’absence de droits au non-recours : des droits sociaux discontinus, un « paysage complexe »
L’accès aux droits représente en lui-même une cause majeure d’insécurité et d’instabilité, un « fardeau administratif » avec lequel se débattent au quotidien les personnes en situation de précarité, tout comme les acteurs locaux rencontrés.
L’hétérogénéité et la complexité des modes de calcul et d’éligibilité placent les personnes dans des situations d’incertitude constante quant aux ressources sur lesquelles elles pourront compter, avec des discontinuités et ruptures de droits importantes en toile de fond. Les effets démobilisateurs qui en découlent sont prégnants, compliquant encore davantage le recours aux mécanismes de solidarité.
La disparition des antennes rurales des organismes de protection sociale et la dématérialisation administrative accentuent considérablement les difficultés d’accès aux droits et aux services. L’aide administrative ainsi que l’accompagnement social de proximité constituent, en contrepartie, des appuis précieux, à la fois « humains » et personnalisés, même s’ils restent limités dans leurs prérogatives.
¹ Cette typologie mobilise différentes méthodes de caractérisation du rural (densité, densité de population, taux de surface urbanisée, etc.). La typologie est la suivante :
-
Grosse ville : commune de plus de 10 000 habitants.
-
Ville : commune-centre ou Pôle intermédiaire ou supérieur de moins de 10 000 habitants.
-
Commune périurbaine : commune de banlieue ou ville isolée.
-
Bourg rural : Pôle de proximité hors d’une unité urbaine et hors du pôle principal.
-
Commune rurale : commune hors d’une unité urbaine dont le taux de surface urbanisée est supérieur à 2%.
-
Commune très rurale : commune hors d’une unité urbaine et de l’aire d’attractivité d’une ville ou dont le taux de surface urbanisée est inférieur à 2%.
Chiffres-clés de l’étude
Taux de pauvreté (<60% revenu médian) :
Isère : 11,8% Grandes villes : 17% Territoires ruraux : 7%
4 territoires étudiés :
-
Oisans
-
Bièvre
-
Sud Grésivaudan
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Isère rhodanienne
4 Focus group des professionnels :
-
45 professionnels rencontrés
-
33 structures représentées
52 Entretiens individuels auprès des publics concernés :
-
13 jeunes
-
26 actifs
-
13 retraités