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Alimentation : des pratiques qui évoluent, en fonction du niveau de revenu et des représentations

Jourdain, V. & Ottaviani, F. (2023), Rapport d’enquête. Pratiques Ecologiques, Grenoble Ecole de Management-Grenoble Alpes Métropole-ADEME, mai. 

COMPARAISON INC/ZWF 2021 :  

Cette comparaison est issue de l’enquête de l’Institut National de la Consommation (INC), menée pour le compte de Zéro Waste France (ZWF)³. Dans cette question, il était demandé quels commerces alimentaires les participants fréquentent régulièrement. 11 types de commerces étaient proposés dans le questionnaire INC : « Boulangerie », « Grandes surfaces », « Marchés », « Magasins spécialisés « bio » », « Magasins alimentaires de proximité », « Boucherie/charcuterie », « Producteurs en direct », « Distributeurs en circuits courts », « Primeurs », « Poissonnerie », « Boutiques spécialisées en vrac ». Trois autres commerces étaient ajoutés dans le questionnaire « Pratiques Ecologiques » : « Epicerie solidaire », « Petite ou moyenne surface », « Fromagerie ».

78% d’omnivores et une majorité prête à réduire leur consommation de produits carnés, notamment pour un bénéfice de santé

L’enquête « pratiques écologiques » a été passée auprès d’un panel représentatif de la métropole grenobloise entre avril et mai 2023. Parmi toute une série de questions sur les représentations et comportements, les habitants étaient interrogés sur leurs pratiques alimentaires et les conditions qui les feraient réduire leur consommation de viande, celle-ci étant une des principales sources d’émission de gaz à effet de serre liée à l’alimentation.

 

Alimentation des habitants de la métropole, des changements en cours : circuits courts, commerces de proximité, attention à la santé… 

Régimes alimentaires 

Question 12 : Dans une semaine normale, combien de fois mangez-vous les aliments suivants ? 

 

Pour évaluer le caractère « environnemental » de l’alimentation des répondants, nous avons d’abord étudié leurs « prises » alimentaires, c’est-à-dire la quantité d’aliments ingérés. Pour prendre en compte l’empreinte environnementale des produits d’origine animale, nous nous sommes concentrés sur 6 types de produits (viandes rouge, blanche, porcine, poissons, œufs et produits laitiers) et leur fréquence de consommation hebdomadaire. Cette méthode, classique en recherche sur l’alimentation¹, permet d’affiner le caractère généraliste des déclarations portant sur les régimes alimentaires, qui peuvent avoir tendance à surestimer, ou à sous-estimer certaines consommations, au moment d’étiqueter « un » régime suivi.  

Les répondants devaient donc déclarer le nombre de prises hebdomadaire, lors d’une semaine « normale », pour chacun des six types de produits listés plus haut. Par déduction, on a ensuite caractérisé chaque régime.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En partant de cette méthode, on trouve un pourcentage d’omnivores (78 %) similaire à l’enquête de France Agrimer, réalisée par l’IFOP en 2021 (74 %)². En revanche, 8 % des répondants n’ont déclaré ni viande, ni poisson dans leur alimentation hebdomadaire, ce qui les fait rentrer dans la catégorie des « régimes sans viande », que l’IFOP chiffre à 2,2 %. Cet écart peut être dû aux spécificités du territoire grenoblois, mais aussi à la méthode de déclaration, fondé, pour l’IFOP, sur la réponse positive à la question « je diminue volontairement ma consommation de viande, sans être exclusivement végétarien », que ce soit ponctuellement ou beaucoup plus fréquemment.

 

Si l’on sépare d’un côté les omnivores (78 %), et tous les autres, on identifie des variables sociales:  

  • Seuls 12 % des hommes ont au moins un régime sans viande rouge, contre 31 % chez les femmes (lien le plus important de la liste). 

  • 35 % des jeunes ont au moins un régime sans viande rouge (versus 14 % des 36-49 ans et des plus de 65 ans).  

  • 26 % des enquêtés vivant à Grenoble ont au moins un régime sans viande rouge (versus 21 % en zone dense et 12 % en zone peu dense). 

  • 39 % de ceux qui gagnent moins de 1500 euros ont au moins un régime sans viande rouge (versus 16 % de ceux qui gagnent plus de 3500 euros). 

Ces variables seront creusées dans la seconde partie du présent article.

Fréquentation des commerces  

Au-delà des prises alimentaires considérées d’un point de vue nutritionnel, l’alimentation est également une pratique économique. La fréquentation de différents types de commerces alimentaires donne donc des indications sur les sources d’approvisionnement des métropolitains, qui conditionnent ce qu’ils mettent dans leur assiette.

Question 13 : Quels commerces alimentaires fréquentez-vous habituellement ? 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Légende : 9 % des enquêtés fréquent une poissonnerie en 2022 alors qu’à l’échelle nationale, d’après l’enquête ZWF INC, 15 % des personnes font de même en 2021. 

 

 

Parmi les commerces les plus fréquentés, on retrouve une spécificité française, la boulangerie, les grandes surfaces et les marchés, qui sont respectivement fréquentés par 63 %, 67 % et 56 % des répondants.  

Ensuite, un certain nombre de commerces susceptibles de participer à une consommation plus durable sont mentionnés : les magasins bio (37 %), les magasins de vrac (15 %).

Sans présumer de son caractère « durable » ou non, la consommation de en « circuits courts » est relativement plébiscitée, puisque 27 % des répondants déclarent se fournir directement chez les producteurs et 16 % passer par des structures dites de « circuits courts ».

 

Question 14 : Dans votre alimentation quotidienne, consommez-vous des produits que nous n’avez pas achetés ?  

 

A travers cette question, on a évalué la propension des répondants à se fournir une alimentation en dehors des circuits commerciaux. La réponse montre que cette pratique n’est pas anecdotique, même si elle se concentre sur un nombre restreint de produit : 15 % des répondants produisent une partie de leur propre alimentation, 18 % bénéficient de don par des proches et 5 % récupèrent les invendus.  

 

Leviers et freins aux changements de pratique 

Nous avons également interrogé les répondants sur leur capacité à se projeter dans un changement alimentaire, en l’occurrence ciblée les aliments les plus émetteurs de gaz à effet de serre.

 

Question 15 : Seriez-vous prêt à réduire votre consommation de viande ou de poisson ? 

83 % des répondants seraient prêts à réduire leur consommation de viandes et de poissons et nombreux déclarent déjà être dans une démarche de réduction. Pour 33 % des enquêtés, ils réduiraient ces consommations s’ils pensaient que cela pourrait être bénéfique pour leur santé. Là où le sondage IFOP précédemment mentionné (IFOP, 2021) rapporte que 79 % des Français estimaient que la consommation de viande permet d’être en bonne santé, les répondants de l’enquête « Pratiques Ecologiques » ne sont que 48 % à se dire « tout à fait d’accord » ou « plutôt d’accord » avec la phrase « la consommation de viande permet de rester en bonne santé ». Deuxième levier : 24 % seraient prêts à réduire ces consommations s’ils pensaient qu’ils existaient des alternatives de produits protéinés. D’autres raisons (18 %) sont mentionnées par les enquêtés : le souci de l’écologie, l’opposition à l’élevage intensif, le goût des produits et le prix. Un autre levier important (17 % des enquêtés) est le fait de savoir cuisiner différemment. Enfin, de manière plus marginale, l’influence des proches est mentionnée : pour 3 % des enquêtés, être mal perçu par son entourage constitue un frein au changement de régime alimentaire.

Des pratiques d’alimentation influencées par le niveau de revenu, l’âge et le genre

Au-delà des traitements descriptifs et comparatifs présentés ci-dessus, pour chaque thématique analysée, les chercheurs ont construit plusieurs indices qui constituent les « variables à expliquer ». Ces indices permettent de « quantifier », même si cette quantification est abstraite, l’intensité environnementale des pratiques. Ils ont fait le choix de construire des indices de « non-sobriété », plutôt que de sobriété. Autrement dit, plus ils croissent, moins le comportement peut être assimilé à des pratiques environnementales. Ce choix est fait pour souligner que la sobriété passe par une réduction des empreintes. 

Une grande diversité de pratiques

Le premier indice d’alimentation construit concerne la consommation animale. Il correspond au nombre de repas avec protéines animales pris dans la semaine, multiplié par le « score environnemental » des types de protéines. Ce score environnemental n’a pas vocation à refléter l’empreinte carbone exacte des produits consommés mais davantage l’ordination du poids environnemental que le consommateur peut attribuer à ces produits[1]

Dans le détail, cet indice a été calculé à partir de la nature des aliments d’origine animale déclarés, qui donnent un score selon leur impact environnemental. Ici, on voit comment se structurent ces repas. Chaque ligne représente un individu (de 0 à 675, moins les végans), et les couleurs représentent les différents types d’aliments. Le nombre de repas médian est de 14, ce qui indique que les répondants ont peu pris en compte le petit déjeuner comme un repas. 

On observe que, dans l’alimentation déclarée, les œufs et le lait représentent facilement 50 % de l’alimentation d’origine animale en prises, les viandes entre 0 et 10 % (viande rouge) ou 0 et 50 % (tous types de viandes comprises). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La répartition de la population sur les pratiques alimentaires suit, on le voit, un motif plutôt classique, où l’on a une « norme », et des individus qui s’en écartent. Cette norme correspond à peu près à un individu qui mange l’équivalent d’un poisson à chacun de ses repas (du point de vue du score de consommation de produits d’origine animale). Le groupe le moins sobre consomme en moyenne une viande à chaque repas. Tout à gauche, on trouve les rares répondants à ne déclarer aucun produit animal, c’est-à-dire les végans. De l’observation empirique des résultats, six groupes de population - de poids équivalents – sont extraits pour faciliter l’exploitation des résultats.

Les groupes ont les scores suivants : 

  • Le groupe 1 a un score inférieur ou égal à 26 : ce sont les très faibles consommateurs de produits d’origine animale ; 

  • Le groupe 2 a un score entre 26,01 et 35 : ce sont les consommateurs modérés de produits d’origine animale ; 

  • Le groupe 3 a un score entre 35,01 et 41 et sont un peu en dessous de la moyenne de consommation d’origine animale ; 

  • Le groupe 4 a un score entre 41,01 et 48 et sont dans la moyenne de consommation de produits d’origine animale ; 

  • Le groupe 5 a un score entre 48,01 et 59 et consomme plus que la moyenne des produits d’origine animale ; 

  • Le groupe 6 a un score de plus de 59,01 et consomme plus intensivement que les autres groupes des produits d’origine animale. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Légende : Valeur de l'indice de consommation animale : 0 correspond à une alimentation vegan (végétalienne), tandis qu’un score de 101 ou plus renvoie à une consommation intensive de produits animaux. Plus une personne consomme une grande quantité de produits d’origine animale, plus la valeur de l’indice de consommation animale est élevée.

 

Des pratiques socialement situées

L’indice de consommation de produits animaux est lié de manière non accentuée à l’ensemble des variables socioéconomiques de base (catégories socio-professionnelles, diplôme, localisation de l’habitat, revenus, âge, etc.). Toutefois, il semble bien ressortir de nos analyses une problématique d’accès aux produits d’origine animale pour les plus modestes. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Légende : 16 % des artisans, commerçants et chefs d’entreprises font partie du groupe 1 des très faibles consommateurs de produits d’origine animale. 

Les personnes sans activités et les étudiants se caractérisent par une polarisation particulièrement marquée des pratiques : chacune de ces PCS comprend un groupe important de personnes consommant très peu de produits d’origine animale et un groupe en consommant beaucoup. Autrement dit, les groupes intermédiaires sont moins présents pour ces deux catégories de population. Cette faible consommation de viande est davantage subie par les personnes sans activité que par les étudiants. 93 % des personnes sans activité qui appartiennent aux trois premiers groupes, c’est-à-dire les plus faibles consommateurs de viande, déclarent que le prix de la viande est trop élevé. C’est le cas pour 48 % des étudiants. Plus le revenu du ménage est faible, moins il consomme de viande : on le constate également chez les ouvriers et personnes en recherche d’emploi – ce qui témoigne ici en partie d’une sobriété plus subie que choisie. En effet, 40 % des enquêtés ayant un revenu inférieur à 1500 euros appartiennent au groupe 1 (des très faibles consommateurs) versus 11,5 % des personnes ayant plus de 3500 euros. 75 % des ménages les plus modestes appartiennent au groupe 1, 2 ou 3. 

Autre variable très associée à une faible consommation carnée : le genre. 

Légende : 25 % des femmes ont des pratiques alimentaires relevant du groupe 1, groupe qui consomme très peu de produits d’origine animale.

 

59 % des femmes appartiennent aux groupes les moins consommateurs (groupe 1, 2 et 3) contre 42 % pour les hommes. Seuls 10 % des hommes appartiennent au groupe 1, contre 21 % parmi les très gros consommateurs. 

 

L’indice est également corrélé avec des variables plus politiques comme l’adhésion à des concepts de la soutenabilité (décroissance, sobriété, frugalité, développement durable, économie circulaire). Par exemple, 20 % des répondants adhérant au concept de sobriété sont de très faibles consommateurs (groupe 1) et seulement 12 % consomment beaucoup de ces produits. A contrario, les personnes interrogées qui n’adhèrent pas au concept sont 6 % à être très faibles consommateurs et 36 % à l’autre bout du spectre des pratiques.

 

Des pratiques liées aux bénéfices attendus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Légende : 37 % des répondants avec un indice bas sont peu d’accord avec la phrase « la viande permet de rester en bonne santé ».  

 

La consommation de produit d’origine animale est très liée à des croyances et des représentations spécifiques. Assez logiquement, ceux qui considèrent que la viande est néfaste pour la santé en consomment bien moins, tandis que les gros consommateurs ont tendance à contrario à considérer qu’elle permet de rester en bonne santé et fait partie du régime naturel des humains.

 

94 % des consommateurs de viande rouge sont d’accord avec le fait que manger de la viande est un plaisir. L’indice est faiblement lié au temps passé en cuisine (ceux qui passent entre 4h et 8h en cuisine par semaine sont plus nombreux à ne pas consommer de viande rouge). L’indice n’est en revanche pas lié aux variables suivantes : à la catégorie socio-professionnelle,  au niveau de diplôme, à l’échelle à laquelle l’action collective doit être gérée, au fait d’avoir ou non des enfants, au fait d’avoir un bon accès des commerces alimentaires, à l’estimation que font les personnes des gaz à effet de serre liés à l’alimentation, au fait de privilégier la qualité sur la quantité de viande, au fait de se faire livrer des courses à domicile ou encore au fait de se faire livrer de la nourriture préparée et au télétravail. 

 

 

 

 

¹ Lepiller, O., Fournier, T., Bricas, N., Figuié, M. (Eds.), (2021). Méthodes d’investigation de l’alimentation et des mangeurs, Update sciences & technologies. Éditions Quae, Versailles

² FranceAgriMer et IFOP (2021) « Végétariens et flexitariens en France en 2020 ».

Institut National de la Consommation et Zéro Waste France (2020), « Enquête sur les habitudes de consommation responsable ». Il faut noter que les auteurs de cette étude disent douter de la représentativité de leur échantillon.

³ Institut National de la Consommation et Zéro Waste France (2020), « Enquête sur les habitudes de consommation responsable ». Il faut noter que les auteurs de cette étude disent douter de la représentativité de leur échantillon.

⁴ Cette pondération a été choisie pour sa lisibilité et le fait qu’elle reflète non la valeur cardinale de l’empreinte environnementale mais plutôt sa valeur ordinale. Voici le détail des poids : 6 = viande rouge, 5 = viande porcine et charcuterie, 4 = viande blanche, 3 = poisson, 2 = produits laitiers, 1 = œufs.

 

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Zoom méthodo : le baromètre des transitions

Le projet « Baromètre des transitions » est développé en coopération entre Grenoble Alpes Métropole, Grenoble Ecole de Management (GEM) et l’ADEME sur un horizon de trois ans. Le projet « Baromètre des transitions » vise à :   
- ​Enquêter de manière régulière auprès des habitants du territoire métropolitain grenoblois sur leurs représentations des enjeux environnementaux, leurs comportements, les leviers d’accompagnement au changement, la réception voire les effets des interventions métropolitaines dans ce domaine. 

- Dresser des profils qui permettent de mieux cibler le niveau attendu et les modalités d’un accompagnement au changement de pratiques ou comportements vers plus d’écoresponsabilité : typologies par âge/moments de vie, catégories socio-professionnelles/niveau de revenus, territoire/type d’habitat et mode de vie urbain ou rural… 

- Evaluer la réception, par les habitants, des dispositifs (offre de service public, aménagements, réglementation, campagne de communication, etc.) existants ou avant même leur mise en service, afin de tester leur recevabilité et les conditions de leur réussite, selon les profils.  
 

                                     

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La première enquête du Baromètre permet d’aborder de manière transversale les pratiques sociales en matière environnementale.              

Le projet « Baromètre des transitions » s’appuie sur un Panel de recherche territorialisé lancé en mai 2020 par GEM. Les participants sont des résidents des 49 communes de Grenoble Alpes Métropole invités à participer à des études en ligne régulières sur des sujets d’actualité liés au territoire. Une seule personne par foyer peut participer au Panel. Le Panel est régi par un conseil scientifique de professeurs de GEM qui valide le choix des études distribuées par le panel. Fondé sur le modèle d’autres panels de recherche, comme celui de l’Université d’Aarhus au Danemark, le panel permet à tout habitant de la Métropole de plus de 18 ans, non salarié(e) ou étudiant(e) de GEM, de s’inscrire sur une plateforme dédiée, et de recevoir régulièrement des invitations à participer à des études en ligne indemnisées.  

Chaque étude prend la forme d’un questionnaire à remplir en ligne, d’une durée de 30 minutes environ et d’une indemnisation à hauteur de 5€. 

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