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Cédric Avenier, architecte, Docteur en Histoire de l’Art, Professeur à l’École d’Architecture de Grenoble.
Nichée au coeur d’un écrin montagneux, la métropole peut dérouter par la diversité de ses patrimoines : friches industrielles, patrimoine militaire, patrimoine des Jeux olympiques, patrimoine architectural du 20ème siècle… Un patrimoine que le label « ville d’art et d’histoire », obtenu en septembre 2017, permettra à la ville-centre de valoriser. L’oeil du connaisseur, de Cédric Avenier, met en relief quelques pépites, nées de l’apparition du ciment à Grenoble ou de l’apogée de la construction des années 60, qui lui permettent de rêver à « l’École de Grenoble » en matière d’architecture…

On entend beaucoup de Grenoblois dire que Grenoble n’est pas une ville d’architecture. Oui, ce n’est pas une ville musée mais une ville vivante, avec des pépites oubliées voire abandonnées. Je pense au tissu urbain extrêmement dense du centre-ville historique, avec ses cours intérieures, ses traboules, ses constructions médiévales magnifiques, qui sont valorisées à Chambéry ou à Lyon évidemment, mais pas à Grenoble.
Il n’y a pas une identité architecturale bien marquée ; j’ai l’impression qu’elle se régénère à chaque grand mouvement de l’histoire. Au Moyen-Âge on voit beaucoup de constructions en briques qui ne sont pas typiquement régionales mais qui évoquent de forts liens avec l’Italie. À la Renaissance, c’est l’ouverture de carrières de pierre importantes qui ouvre la voie à une architecture ornementale très française, qui dure jusqu’au 17ème siècle. Puis au 18ème siècle, beaucoup d’hôtels particuliers voient le jour, ainsi qu’un habitat dense avec des extensions en bois sur les toits.

 

Le béton et le ciment : emblèmes métropolitains

Il y a des éléments d’architecture très connus, comme la tour Perret, qui n’est pas qu’un édifice régional, mais le symbole du passage de l’architecture au béton armé après la guerre de 14-18. Elle a été importante dans l’histoire de l’architecture car elle constitue la preuve que l’on peut construire haut, vite, bien et pas cher.
Le 19ème siècle, et c’est propre à Grenoble, voit le développement du ciment moulé. On remplace des pierres de taille par des blocs de béton ornés, fabriqués avec du ciment naturel ocre. Les édifices publics (gares, mairies, écoles) sont alors quasiment tous en ciment moulé. C’est vrai aussi pour les immeubles et les petites entreprises et pour tout le quartier Saint-Bruno, Saint-Martin-d’Hères, toute l’extension de la ville vers le Sud.

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L’urbanisation des années 60

Les années 60 sont une autre période d’importance : on prépare la venue des Jeux olympiques et le développement de la ville au Sud, avec une « ville neuve » et de nouvelles infrastructures.

Dans les années 60, sur le campus, se sont construits de beaux édifices avec cette typicité du galet-roulé :
du béton avec des galets ronds du Drac. Et le premier symposium de sculpture, en 1961, a permis la venue d’artistes extrêmement importants dont Calder évidemment qui a produit 3 oeuvres. L’agglomération grenobloise est probablement celle qui compte le plus d’oeuvres d’art contemporain dans son espace public.

Deux constructions importantes s’implantent dans le parc Paul Mistral :> Le palais des sports, est le premier bâtiment à voile de béton, le pendant du CNIT4 à Paris. : il s’agit d’une prouesse technique, d’un chef d’oeuvre architectural, massacré par les abords aménagés avec des escaliers et des grilles alors qu’il était conçu comme une aile de béton émergeant de la pelouse.> La nouvelle mairie de Grenoble, conçue par Maurice Novarina, est un bâtiment extraordinaire par la qualité de ses finitions.

Une ville vivante, pas une ville musée

On ne pense pas que Saint-Martin-d’Hères est une ville dotée en art contemporain or, sur le campus, il y a des oeuvres extraordinaires. Comme à Gières. Il y a peu d’édifices qui sont des lieux-musées ou des lieux-phares, sujets à carte postale, mais on a une culture, un savoir-faire diffus, qui font partie de la vie.

On a toujours l’idée que Grenoble est une ville sans architecture, sans culture… il y a quand même un centre national d’art contemporain extraordinaire. La maison de l’architecture de l’Isère est une association de promotion et de diffusion de la culture architecturale très active. Elle a un vrai savoir-faire et intervient au-delà de Grenoble.

L’architecture fait rayonner notre territoire

On n’imagine guère que notre architecture locale soit facteur de rayonnement. Et pourtant : il suffit, pour le constater, de lire les revues. J’ai le sentiment qu’une école de Grenoble est en train de naître en matière d’architecture, portant le souci des matériaux, de l’architecture de montagne et de la terre. Le laboratoire Craterre est un centre mondial de construction en terre crue. Il y a un côté « culture constructive » mais avec le souci d’une mise en oeuvre adaptée pour l’avenir. S’il n’y a pas de style, il y a peut-être un mode de pensée qui est particulièrement performant à Grenoble et dans l’agglomération.

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