Le cadre de vie fait-il le bien-être ?
- philippinelavoillo
- 2 juin
- 12 min de lecture
Les habitants de la métropole grenobloise apprécient-ils leur cadre de vie ? Comment le décrivent-ils ? Est-ce homogène sur l’ensemble du territoire ? Quel sont les effets de l’aisance financière ou du mode d’occupation du logement sur l’appréciation du cadre de vie ?
Voilà quelques-unes des questions auxquelles le présent article apporte des éclairages, révélant que :
- la métropole grenobloise est très largement ressentie comme « agréable à vivre »,
- les quartiers, communes et logements de résidence sont globalement appréciés bien que le degré de satisfaction varie d’un secteur à l’autre ;
- vivre en maison, être propriétaire, déclarer un accès aisé aux commerces, services et transports en commun ont une incidence positive sur la satisfaction ;
- toutes choses égales par ailleurs, les personnes confrontées à des difficultés financières sont moins satisfaites de leur quartier et de leur logement que les autres, soulignant que les conditions de vie impactent sur le cadre de vie et sur sa perception.
A propos
La démarche « indicateurs de bien-être soutenable », nourrie d’enquêtes et de débats, a abouti à la définition collective de huit dimensions du bien-être soutenable. Combinant approche individuelle et collective, ce référentiel incite « à compter ce qui compte » pour les individus et pour la société. Le bien-être correspond à la capacité des personnes à « se réaliser », c’est-à-dire à trouver un équilibre entre leurs aspirations et leurs capacités à agir, individuellement et collectivement. Se sentir en bonne santé, tirer de la satisfaction de sa vie sociale, de son travail, son logement, son quartier, se ressourcer dans un espace naturel ou un parc, pratiquer une activité de loisir, s’investir dans une association, se sentir bien dans l’articulation des temps de sa vie quotidienne sont autant de thèmes abordés par l’enquête.
Les habitants de Grenoble-Alpes-Métropole ont été sondés à trois reprises (2012, 2018, 2023) à travers une enquête quantitative sur les dimensions du bien-être proposées par la démarche IBEST.
Cette nouvelle édition de la fiche « Cadre de vie » analyse les facteurs d’appréciation de leur cadre de vie par les répondants et offre des comparaisons depuis 2018 sur certains indicateurs reconduits.

Contexte : un cadre de vie contrasté
Entre centres urbains et zones rurales : des territoires diversifiés
La métropole grenobloise se caractérise par une grande diversité de territoires.

Le Grand Sud, majoritairement composé de territoires peu denses, se distingue par une présence marquée de la nature et une faible artificialisation des sols. Deux villes sont toutefois présentes sur ce secteur, Pont-de-Claix et Vizille, et contrastent avec les autres communes à densité intermédiaire ou rurales. En comparaison, le secteur Sud, comprenant des villes telles qu’Échirolles et Eybens, est davantage urbanisé. Le Nord-Est et le Nord-Ouest se caractérisent également par la présence de centres urbains : Saint-Martin-d’Hères, La Tronche et Meylan à l’Est, et Fontaine, Seyssinet-Pariset et Saint-Égrève à l’Ouest. Ces zones comportent également des espaces plus montagneux, comme Quaix-en-Chartreuse ou Sarcenas. En fond de vallée, la commune de Grenoble regroupe un tiers de la population métropolitaine.
Cette diversité géographique s’accompagne d’une variabilité notable en matière de bâti et de desserte en transports en commun. Par exemple, dans le Grand Sud, les maisons constituent 60 % des résidences principales, contre un tiers dans le Nord-Ouest.
Des structures de ménages variables selon les secteurs
Les profils des ménages et des habitants reflètent les spécificités des territoires. À Grenoble, ville marquée par la forte présence des étudiants, 54 % des ménages se composent d’une seule personne contre 44 % dans l’ensemble de la métropole. Le Grand Sud se distingue par une proportion plus élevée de familles avec enfants (29 % contre 23 % sur l’ensemble de la métropole). Les retraités sont davantage présents dans les secteurs Sud, tandis que les cadres résident principalement à Grenoble et dans le Nord-Est de la métropole. À l’inverse, la proportion d’ouvriers et d’employés est moins élevée dans ces secteurs.
La variété des territoires se lit également dans la description qu’en font les habitants.
La structure même des tissus urbains et ruraux influence leur peuplement et les caractéristiques de leurs habitants qui ont plus ou moins de latitude de choix de leur lieu d’habitation.
Le cadre de vie, objet de perception habitante
Une métropole perçue comme « accessible », « agréable » et « verte »
Les habitants de Grenoble Alpes Métropole utilisent des qualificatifs variés pour décrire leur cadre de vie. « Accessible, bien desservi par les transports », « agréable à vivre » et « riche en espaces verts » sont les termes les plus plébiscités pour décrire le territoire par les personnes enquêtées dans l’IBEST 2023. Toutefois, des disparités apparaissent selon les secteurs d’habitation.
Les résidents du Grand Sud se montrent plus réservés pour décrire leur territoire comme « accessible » ou bien pourvu en commerces et services. Du reste, la moitié des répondants de ce territoire considèrent leur lieu de vie comme difficilement accessible en transports en commun et éloigné d’une banque. En revanche, ils sont plus nombreux à estimer que leur environnement est « riche en espaces verts » et « agréable à vivre ». À Grenoble, l’accessibilité est souvent soulignée, mais les habitants sont plus nuancés sur des aspects comme la propreté, le calme et le sentiment de sécurité.
Répartition des réponses à la question « Diriez-vous que ces qualificatifs correspondent à votre quartier / commune ? », par secteur

Des modes de vie & une fréquentation des espaces publics différenciés
47 % des habitants enquêtés fréquentent un espace vert de leur ville au moins une fois par semaine, sans différence significative par secteur.
En revanche, les motifs amenant les habitants à se rendre dans un espace vert varient selon le lieu de résidence. Plus d’un tiers des Grenoblois déclarent fréquenter les parcs et jardins de la ville pour retrouver des connaissances ou se reposer, contre moins de 20 % des répondants du secteur Grand Sud. Plus de 65 % des enquêtés du secteur Sud se rendent dans les espaces verts de leur territoire pour profiter de la présence de la nature, un motif mentionné par la moitié des répondants des autres secteurs.
Le fait de fréquenter des espaces de nature en dehors de la ville et la régularité de cette pratique sont relativement semblables d’un secteur à l’autre. De même, les personnes estimant avoir un accès difficile à la nature ne fréquentent pas moins souvent les espaces de nature que les autres.
Toutefois, d’autres facteurs tel que l’accès à un véhicule influencent ces pratiques : les détenteurs d’une voiture visitent plus souvent des espaces naturels situés hors des villes que ceux qui n’en possèdent pas.
Faible densité et précarité associées à un accès plus difficile aux soins
Au-delà du secteur d’habitation, le cadre de vie et la perception qu’en ont les habitants changent également selon les conditions de vie des ménages. L’accès aux soins en est un bon exemple. En 2023, près de 40 % des enquêtés déclarent être confrontés à des difficultés pour accéder aux soins. Ces difficultés varient d’un secteur à l’autre avec, d’une part, le Grand Sud et Nord-Ouest où plus de la moitié des habitants estiment accéder difficilement aux services de santé et, d’autre part, le Sud ou cette proportion est inférieure à 30 %. D’autres facteurs s’imbriquent : les résidents des communes peu denses bénéficient ainsi d’un accès aux soins plus limité, ces dernières étant moins souvent dotées de centres de santé ou de professionnels de santé exerçant en libéral.
Part des enquêtés ayant un accès difficile aux soins, selon leur situation financière et leur territoire

A cela, vient s’ajouter une dimension sociale : les personnes les moins aisées financièrement déclarent sensiblement plus que les autres un accès difficile aux soins. Ainsi, parmi les répondants confrontés à des difficultés financières, la moitié considèrent vivre dans un lieu où il est difficile d’accéder à des services de santé, tandis que ceci est le cas d’un tiers des personnes “à l’aise financièrement”. Ces écarts sont particulièrement prégnants dans les communes denses et à Grenoble qui bénéficient pourtant d’une offre plus importante et d’une distance plus réduite aux services de santé, signe que les freins à l’accès aux soins et à la santé ne sont pas uniquement géographiques.
Ville, quartier, logement : 75 % de satisfaction
Une satisfaction résidentielle globalement positive à toutes les échelles
En 2023, 85 % des habitants de la métropole se déclarent satisfaits (assez ou très satisfaits) de leur commune, tandis que près de 90 % le sont de leur quartier, en augmentation de 4 points de plus par rapport à 2018.
Niveau de satisfaction du logement, du quartier et de la ville

Avec 91 %, la satisfaction concernant le logement est très élevée, bien qu’en légère baisse depuis 2018 (94 %).
75 % des enquêtés sont satisfaits à la fois de leur commune, de leur quartier et de leur logement.
Quartiers « agréables » et « verts » : une satisfaction globalement en hausse depuis 2018
Chez certaines catégories de population, l’augmentation de la satisfaction vis à vis du quartier est légèrement plus marquée (+ 6 points entre 2018 et 2023) que la moyenne. C’est le cas des moins de 35 ans (91 % de satisfaits en 2023), des couples avec enfants (92 %), des personnes ayant un diplôme inférieur au baccalauréat (87 %) et des locataires (85 %).
Parmi les qualificatifs proposés pour décrire leur quartier, l’accessibilité ainsi que la qualité des réseaux internet et téléphone sont soulignées par les trois quarts du panel. Les qualificatifs de « vert » et « d’agréable » sont également adoptés par plus des deux tiers des enquêtés.
Répartition des qualificatifs du quartier de résidence

Davantage de « très satisfaits » de leur quartier dans le Nord Est et le Grand Sud
Répartition des personnes « très satisfaites » de leur quartier, par secteur

Vivre en maison augmente les chances d’être satisfait de son quartier
En 2023, les habitants vivant en zone peu dense sont plus nombreux à se déclarer « très satisfaits » de leur quartier par rapport aux zones plus urbanisées.
Certaines caractéristiques du logement continuent de jouer un rôle dans la satisfaction des habitants. Que ce soit en 2018 ou en 2023, vivre en maison a un impact positif sur la perception du quartier.
L’accès aux magasins et aux espaces verts apparaissent aussi comme des facteurs importants dans la satisfaction vis-à-vis du quartier. Les personnes estimant bénéficier d’une proximité aux magasins et aux espaces de nature se déclarent plus souvent satisfaites que les autres.
La satisfaction par rapport au lieu de vie est également liée à certains facteurs socio-démographiques. Ainsi, la situation financière des habitants influe, de manière significative, sur la satisfaction des habitants : les personnes se considérant en difficulté financière sont nettement moins susceptibles d’être satisfaites de leur cadre de vie. En 2023, 80 % des enquêtés déclarant être en difficulté financière s’estiment satisfaits de leur quartier, contre 93 % de ceux sans difficulté. Les plus aisés se déclarent plus souvent « très satisfaits » de leur quartier. L’écart de perception vis-à-vis du lieu de vie, selon la situation économique du ménage, pourrait aussi se lire en termes de contraintes plus ou moins fortes vis-à-vis des « choix résidentiels ». En effet, les capacités financières des ménages conditionnent leur accès au logement et leur lieu d’implantation.
Satisfaction par rapport au quartier, selon la densité d’habitat et selon l'aisance financière
Source : WoGeC GEM, IBEST 2023. Lecture : 58 % des enquêtés en commune dense se disent assez satisfait de leur quartier. 30 % des enquêtés confrontés à des difficultés financières se disent très satisfaits de leur quartier, contre 50 % des enquêtés se déclarant en aisance financière.
En revanche, d’autres facteurs tels que l’âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle ou la situation familiale n’ont pas d’influence significative sur la satisfaction vis-à-vis du quartier.
Au-delà des caractéristiques intrinsèques du quartier de résidence, la satisfaction vis-à-vis de son quartier est corrélée à l’aisance financière du foyer.
Carte scolaire : l’influence du cadre de vie et du sentiment de sécurité
Ces analyses sont à prendre avec précaution : les familles avec enfants, concernées par la question « Vos enfants fréquentent-ils l’école/collège/lycée de secteur ? » sont peu nombreuses, 125 au total.
La perception du cadre de vie influe sur le lieu de scolarisation et d’éventuelles logiques de contournement de la carte scolaire.
Parmi les familles enquêtées, près d’un tiers ont des enfants qui ne fréquentent pas l’école, collège ou lycée de secteur. Dans ce cas, les parents peuvent choisir de scolariser leurs enfants dans un établissement privé, malgré le surcoût, ou public hors secteur s’ils disposent d’une dérogation. En 2023, dans l’échantillon enquêté, aucun lien significatif entre revenus et logique d’évitement scolaire ne se note.
En revanche, selon les résultats de l’enquête, les familles très satisfaites de leur quartier inscrivent plus fréquemment leurs enfants dans l’établissement scolaire de secteur. Seules 18 % d’entre elles ne suivent pas la carte scolaire.
Le sentiment de sécurité joue également un rôle clé dans le choix de l’établissement scolaire. Les familles se sentant en insécurité dans leur quartier scolarisent moins souvent leurs enfants dans l’école du secteur, par rapport à celles qui se sentent en sécurité.
À Grenoble, l’inscription des enfants et adolescents dans des établissements hors secteur est plus fréquente. Ce phénomène pourrait s’expliquer par une offre scolaire plus diversifiée et une meilleure accessibilité des établissements, en comparaison avec d’autres territoires.
D’autres caractéristiques, telles que la catégorie socioprofessionnelle (PCS), la situation familiale, le niveau de stress ou l’implication dans la vie de quartier, n’ont pas d’impact significatif sur le choix de scolarisation des enfants.
Fréquentation de l’établissement de secteur selon le sentiment de sécurité

La tranquillité publique, premier besoin identifié par les résidents
Les habitants interrogés identifient trois axes prioritaires pour améliorer leur cadre de vie : la tranquillité publique et la sécurité, l’entretien et la propreté des espaces publics, ainsi que le calme. Ces trois besoins sont particulièrement soulignés par les personnes peu ou pas satisfaites de leur quartier. Par exemple, 77 % des insatisfaits jugent que la tranquillité publique doit être une priorité, contre 44 % des satisfaits.
Les attentes varient aussi selon les secteurs de résidence. Dans le secteur Grand Sud, les transports en commun et les commerces et services de proximité évoqués comme besoins prioritaires par plus de la moitié de la population enquêtée (respectivement 65 % et 57 %). À Grenoble, la qualité de l’air est un enjeu majeur pour un tiers des résidents, contre un quart dans le reste de la métropole.
Besoins à améliorer en priorité

9 habitants de la métropole sur 10 sont satisfaits de leur logement. Le degré de satisfaction varie néanmoins selon le mode d’occupation, la taille du logement et les éventuelles difficultés financières du ménage.
Les propriétaires plus souvent satisfaits de leur logement
En 2023, plus de 90 % des personnes interrogées se disent satisfaites de leur logement, un taux stable par rapport à 2018. Parmi elles, 42 % se déclarent même « très satisfaites ».
La satisfaction vis-à-vis du logement est largement influencée par le statut d’occupation. Les propriétaires se montrent significativement plus satisfaits par rapport aux locataires. Ce sentiment est aussi renforcé chez les personnes habitant de grands logements, de plus de 100 m². Ces dernières expriment aussi plus souvent une grande satisfaction vis-à-vis de leur habitat. A l’inverse, être confronté à des contraintes économiques est associé à une moindre satisfaction vis-à-vis du logement.
Selon l’enquête de 2023, les personnes se déclarant en difficulté financière avaient environ 80 % de chances en moins d’être satisfaites de leur logement, par rapport à celles ne rencontrant pas ces difficultés. En 2018, le lien entre confort thermique ressenti et revenus avait été établi. Il est probable que ce lien persiste en 2023, même si l’enquête ne permet plus de le déterminer (plus de question relative à cette thématique).
A l’échelle de la métropole, les habitants du Grand Sud sont ceux qui se montrent le plus satisfaits de leur logement. Ce secteur est, par ailleurs, caractérisé la présence de territoires peu denses et un habitat majoritairement constitué de maisons.
Source de la fiche : WoGeC GEM, IBEST 2023.
Cette enquête, réalisée en ligne au début de l’année 2023, a recueilli les réponses d’environ 600 habitants de la métropole. Les personnes âgées de plus de 65 ans sont sous-représentées dans l’enquête IBEST par rapport à la population générale, ce public étant moins enclin à participer à des enquêtes en ligne. Plus largement, les personnes habitants seules sont sous-représentées dans IBEST par rapport aux données du recensement de l’INSEE.
Exploitation et rédaction par Lucas Jouny et Marianne Muller (Agence d’urbanisme de la région grenobloise) avec Inès Bentara, Annabelle Berthaud et Philippine Lavoillotte (GAM). Photos Fabrice Bouvier, AURG et JM Faucillon.
L’équipe IBEST comprend GEM (chaire Territoires en transition et chaire Paix économique), Grenoble-Alpes Métropole, le Centre de recherche en économie de Grenoble (UGA), l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise, la Ville et le CCAS de Grenoble.
