Jourdain, V. & Ottaviani, F. (2023), Rapport d’enquête. Pratiques Ecologiques, Grenoble Ecole de Management-Grenoble Alpes Métropole-ADEME, mai.
83 % des métropolitains disent donner, vendre ou échanger des objets contre 60 % pour l’ensemble des français
L’enquête « pratiques écologiques » a été passée auprès d’un panel représentatif de la métropole grenobloise entre avril et mai 2023. Parmi toute une série de questions sur les représentations et comportements, les habitants étaient interrogés sur leurs pratiques de consommation et de gestion des déchets : tri, recyclage, réduction, réemploi… plusieurs pratiques ont été interrogées avec comme base de comparaison une enquête passée un an plus tôt, en 2021, au niveau national.
Elle a été complétée au printemps 2023 par une enquête « Déchets et consommation », sur un échantillon de 599 habitant.es de la Métropole Grenobloise. Les données ont été redressées, pour s’approcher de la représentativité sur le genre, le diplôme, la densité urbaine et la catégorie socio professionnelle.
Un problème perçu comme mondial plus que local
L’immense majorité des répondants, 97 %, estiment que les déchets sont un sujet problématique (sans entrer plus dans les détails) au niveau mondial. Ils ne sont plus que la moitié, 54 %, à penser que c’est aussi un problème local, à l’échelle de la Métropole Grenoble Alpes.
En cherchant à comprendre « ce » qui est problématique, on se rend compte que ce sont surtout les modalités de gestion technique de ces déchets : 80 % des enquêtés déplorent la mise en décharge, le volume des déchets produits, leur toxicité ou le fait qu’ils soient gérés à l’étranger.
Elément intéressant à noter : 63 % des répondants jugent l’incinération problématique mais 45 % pensent que c’est aussi le cas du recyclage. Longtemps considéré comme « la » solution pour traiter les déchets, le recyclage est aujourd’hui interrogé, tant pour sa performance (arrive-t-on réellement à recycler tout ce qui est trié ?) que pour ses conséquences sur le maintien des volumes de déchets (à quoi bon réduire s’il y a une solution pour réemployer ?)
Tous les déchets ne sont pas jugés de la même manière : les habitants de la métropole estiment qu’il est urgent d’agir sur les déchets plastiques, les déchets de piles et accumulateurs ou encore les produits électroniques, plutôt que sur les déchets de l’ameublement, du textile, des journaux…
Le tri, une pratique bien intégrée… chez soi !
Comme l’atteste le résultat de l’enquête Pratiques écologiques (voir graphique ci-dessous), les répondant déclarent largement adopter des pratiques de « bonne gestion » ou de « tri » des déchets dans les deux enquêtes, signe de l’intégration de ce geste dans les comportements quotidiens. Signe constaté à l’échelle nationale.
Cependant, ces pratiques ne vont pas sans difficultés : difficulté à mobiliser suffisamment d’espace dans son domicile, à partager les tâches ou à maintenir ces pratiques en dehors du foyer… les répondants sont nombreux à montrer que le tri « ne va pas de soi » et demande un engagement tout autant qu’un environnement technique favorable. En particulier, il faut noter que seuls 20 % des répondants trient leurs déchets d’emballage dans l’espace public, interrogeant la disponibilité des poubelles dédiées et consignes de tri dans l’espace public.
Pratiques quotidiennes de réduction des déchets : métropole grenobloise vs France, 1 partout ?
Légende : 41 % des enquêtés déclarent acheter des vêtements de seconde main
Un écart significatif est constaté entre les pratiques des métropolitains grenoblois et celles déclarées par l’ensemble des Français sur le recours à la seconde main. Cette « culture locale du réemploi » est visible qu’il s’agisse de l’achat ou de l’échange, du don et de la vente : 83 % des Grenopolitains déclarent donner, vendre et/ou réparer des objets contre 61 % des Français. La façon dont l’enquête est posée ne permet pas à ce stade de différencier les dons et ventes (qui peuvent masquer une pratique d’achat pour renouveler les objets, peu favorable à la réduction des déchets) des achats d’occasion, témoins plus visibles de l’économie circulaire domestique.
Néanmoins, cette propension à l’achat circulaire est conforté par le premier point qui zoome sur l’achat de vêtements de seconde main : le différentiel reste très net avec la moyenne nationale (41 % des métropolitains grenoblois vs 25 % des Français). On peut supposer que ce recours est lié à l’offre existante sur le territoire qui favorise cette pratique. En effet, 61 % de ceux achetant des vêtements de seconde main ont déjà acheté un vêtement dans un magasin d’occasion. L’achat en ligne est également pratiqué dans des proportions proches.
L’enquête « déchets et consommation » de 2023 vient conforter ces constats : les répondants sont nombreux à déclarer acheter des produits d’occasion : souvent, ce sont des vêtements (22 %), des produits culturels (26 %) ou des meubles (12 %), mais aussi beaucoup d'autres produits. La gamme de produits vendus est plus restreinte, resserrée autour des vêtements et des produits culturels. Elle l’est encore plus en ce qui concerne le don : 45 % des dons déclarés sont des vêtements.
A l’inverse, les répondants de l’enquête « Pratiques Ecologiques » sont nettement moins nombreux à faire attention à la réduction de leurs emballages que les répondants de l’enquête INC : 64 % versus 79 % en moyenne… même si on peut noter les hauts niveaux de réponse dans les deux cas, signes d’une vraie prise de conscience de l’impact environnemental des emballages.
Légende : 41 % des enquêtés déclarent acheter des vêtements de seconde main
La méthode - COMPARAISON AVEC INC/ZWF 2021 :
L’enquête de comparaison est celle conduite par l’Institut National de la Consommation (INC), menée pour le compte de Zero Waste France (ZWF) en 2021. Dans le questionnaire INC-ZWF, il était demandé aux participants s’ils estimaient mettre en œuvre certaines pratiques de réduction ou de bonne gestion des déchets, parmi une liste de 15 propositions.
L’enquête « Pratiques Ecologiques » reprenait 8 propositions parmi ces 15 (car toutes n’étaient pas directement liées aux déchets). Les propositions sont : « Faire attention à ne pas gaspiller de la nourriture », « Limiter ma quantité de déchets », « Consommer des produits locaux », « Réparer mes produits avant de m'en débarrasser », « Donner, vendre et/ou échanger des objets », « Limiter mes achats de produits neufs », « Acheter des produits d'occasion (meubles, électroménager, etc.) », « Acheter des vêtements de seconde main ».
Cette question se présentait comme une question à réponses multiples (sans limite de réponse). Les résultats, tels que présentés, sont donc le pourcentage absolu de chaque répondant ayant coché l’option de réponse proposée.
Femmes, d’âge intermédiaire, diplômés : esquisse d’un portrait des « réducteurs de déchets »
Au-delà des traitements descriptifs et comparatifs présentés ci-dessus, pour chaque thématique analysée, plusieurs indices ont été construits pour constituer les « variables à expliquer ». La construction d’indices permet de « quantifier », même si cette quantification est abstraite, l’intensité environnementale des pratiques. Les chercheurs ont fait le choix de construire des indices de « non-sobriété », plutôt que de sobriété. Autrement dit, plus ils croissent, moins le comportement peut être assimilé à des pratiques environnementales. Ce choix est fait pour souligner que la sobriété passe par une réduction des empreintes.
Ainsi les pratiques domestiques ont trait aux pratiques quotidiennes faites par les individus pour diminuer leur empreinte environnementale.
En voici les résultats pour l’indice des pratiques domestiques liées aux déchets
Le premier indice de pratiques domestiques est relatif aux pratiques de réduction des déchets. Il combine trois sous-indices : l’un relatif à la pratique du tri au foyer, l’autre au recours à des pratiques de réduction des déchets alimentaires, et le dernier au recours à des pratiques de réduction des déchets d’équipement. Il consiste simplement à compter le nombre de pratiques déclarées dans la question descriptive de la 1ère partie du présent article.
Premier résultat : on constate une corrélation entre la densité de l’habitat et le recours à des pratiques de gestion des déchets. Les habitants des communes denses, correspondant à la première couronne urbaine autour de Grenoble, sont plus nombreux à avoir un mauvais score pour cet indice déchets, comparés au centre (Grenoble). Autrement dit, les pratiques de tri et de gestion des déchets y sont comparativement bien moins importantes qu’à Grenoble. Dans les territoires plus ruraux de la métropole, on ne constate pas de différence significative. Comment expliquer une telle différenciation ? Le sujet méritera d’être creusé, en ayant une attention à l’offre technique pour faciliter les bons gestes. Cependant, les premières exploitations permettent de fermer une interprétation : cette différenciation ville centre / périphérie urbaine ne s’explique pas par les différences de revenus.
En effet, le revenu et la catégorie socio-professionnelle, sont peu corrélés à cet indice. A l’inverse, le niveau de diplôme révèle que les plus diplômés ont des indices plus faibles et seraient donc plus soucieux de réduire leurs déchets.
Deuxième résultat : l’âge est un facteur déterminant. L’indice décroit puis croit à mesure de l’avancement dans la vie, le minimum étant atteint pour la tranche des 36-49 ans. Autrement dit, ce sont les classes d’âge de 18-25 et les plus de 50 ans qui déclarent une moindre attention à ces gestes de gestion ou réduction des déchets. Ce constat est intéressant car il fait écho à d’autres différences liées à l’âge dans les pratiques environnementales : les jeunes ne sont pas homogènes, on constate une forte différentiation entre les « très engagés » et ceux qui n’intègrent pas la variable climat dans leurs comportements. On peut sans doute expliquer une partie des comportements par l’instabilité du cadre de vie des jeunes, moins responsables d’un « foyer » et donc de son bon fonctionnement. Du côté des seniors, on constate plutôt un « effet de génération » : des personnes qui ont grandi sans tenir compte de ces paramètres et qui ont donc plus de mal à changer leurs habitudes de vie.
Dernier résultat : les femmes sont bien plus nombreuses que les hommes à avoir des indices témoignant d’une gestion plus attentive des déchets domestiques, corroborant ainsi les résultats sur la division genrée du travail domestique, ainsi que sa prise en charge intellectualisée (charge mentale) par les femmes.
Les profils d’« économes circulaires» sont affinés par l’enquête « Déchets et consommation » de 2023 : les répondants ne vont pas vendre, acheter et donner le même « type » de produit. Certains sont plus orientés vers l’échange de produits « techniques » comme de l’électroménager, et d’autres vers l’échange de produits non techniques, comme les vêtements ou l’ameublement. Ce second type de pratiques est plus caractéristique des femmes et des individus ayant des enfants. De manière générale, les répondants échangent d’autant plus qu’ils sont jeunes.
Zoom méthodo : le baromètre des transitions Le projet « Baromètre des transitions » est développé en coopération entre Grenoble Alpes Métropole, Grenoble Ecole de Management (GEM) et l’ADEME sur un horizon de trois ans. Le projet « Baromètre des transitions » vise à : - Enquêter de manière régulière auprès des habitants du territoire métropolitain grenoblois sur leurs représentations des enjeux environnementaux, leurs comportements, les leviers d’accompagnement au changement, la réception voire les effets des interventions métropolitaines dans ce domaine. - Dresser des profils qui permettent de mieux cibler le niveau attendu et les modalités d’un accompagnement au changement de pratiques ou comportements vers plus d’écoresponsabilité : typologies par âge/moments de vie, catégories socio-professionnelles/niveau de revenus, territoire/type d’habitat et mode de vie urbain ou rural… - Evaluer la réception, par les habitants, des dispositifs (offre de service public, aménagements, réglementation, campagne de communication, etc.) existants ou avant même leur mise en service, afin de tester leur recevabilité et les conditions de leur réussite, selon les profils. La première enquête du Baromètre permet d’aborder de manière transversale les pratiques sociales en matière environnementale. Le projet « Baromètre des transitions » s’appuie sur un Panel de recherche territorialisé lancé en mai 2020 par GEM. Les participants sont des résidents des 49 communes de Grenoble Alpes Métropole invités à participer à des études en ligne régulières sur des sujets d’actualité liés au territoire. Une seule personne par foyer peut participer au Panel. Le Panel est régi par un conseil scientifique de professeurs de GEM qui valide le choix des études distribuées par le panel. Fondé sur le modèle d’autres panels de recherche, comme celui de l’Université d’Aarhus au Danemark, le panel permet à tout habitant de la Métropole de plus de 18 ans, non salarié(e) ou étudiant(e) de GEM, de s’inscrire sur une plateforme dédiée, et de recevoir régulièrement des invitations à participer à des études en ligne indemnisées. Chaque étude prend la forme d’un questionnaire à remplir en ligne, d’une durée de 30 minutes environ et d’une indemnisation à hauteur de 5€. |