Les associations qui organisent des distributions alimentaires et animent des accueils de jour ont souligné des évolutions importantes parmi les profils de publics accueillis : davantage de familles avec enfants mais aussi des jeunes, en couples ou isolés. Cette augmentation généralisée a également été très médiatisée à l’échelle nationale. « Les familles n’étaient pas notre public habituel avant la crise sanitaire, mais le nombre de familles accueillies n’a cessé de croître depuis le début de la crise sanitaire, notamment pour des colis alimentaires » - Association « accueil SDF ».
Parmi les nouveaux publics émergents qui bénéficient des accueils de jour et des distributions alimentaires depuis 2020 : des personnes en « rupture de parcours » qui ne fréquentaient pas de services sociaux auparavant mais qui ont subi des pertes de ressources financières au cours de la période récente. C’est particulièrement le cas des personnes âgées. A l’inverse les associations avaient imaginé que les saisonniers constitueraient également un nouveau public, compte tenu de l’interruption des activités liés aux confinements mais cette crainte ne s’est que partiellement confirmée. La question de la pérennité du besoin d’aide alimentaire et d’accueils de jour pour ces nouveaux publics bénéficiaires subsiste dans les réflexions des associations. Elles s’inquiètent d’une persistance des besoins dans le temps pour les jeunes, les familles avec enfants, et les personnes âgées.
En outre, au sein des quartiers qui relèvent de la politique de la ville, les points de distribution alimentaire se sont développés, avec des files d’attentes importantes. De nouvelles demandes de solidarité s’expriment, comme la recherche d’un coiffeur ou de produits d’hygiène. L’élan solidaire qui a marqué la période de crise sanitaire a généré des initiatives citoyennes, souvent portées par des personnes jusque-là peu engagées au sein de structures de solidarités. Cette spontanéité a modifié la cartographie des points de distribution alimentaires et des maraudes dédiées. Les acteurs rencontrés ont pu décrire des situations de concurrence qui pose la question de la structuration et la coordination de l’offre associative. Les associations et les institutions alertent par ailleurs sur la pénurie de logements d’urgence et sur la grande difficulté à obtenir des solutions d’hébergement malgré les appels au 115.
ZOOM SUR
Génération précarité, association de distribution alimentaire
À la veille du 1er confinement en 2020, le collectif est porté par un ensemble de syndicats étudiants pour répondre à la précarité alimentaire des étudiant-es.
Des distributions alimentaires sont rapidement organisées, en faisant des portes à portes auprès des résidences universitaires (sur le campus, comme en centre-ville). Des collectes dans les magasins sur le modèle des banques alimentaires, permettent d’organiser la distribution de produits alimentaires et d’hygiène en quantité : entre novembre 2020 et juin 2021, une distribution par semaine est organisée. Les personnes peuvent bénéficier de ces dons, sans contrepartie, sans engagement. Le collectif s’arrête pendant l’été ; l’un des membres témoigne : « On pense que la crise est passée, mais on nous demande régulièrement pendant l’été « quand est-ce que vous reprenez les distributions » ».
Les membres décident de reprendre les distributions à la rentrée 2021 et « on se prend une vague de bénéficiaires : ils étaient plus de 600 à la distribution alimentaire du 19
septembre ».
Le collectif s’organise alors en association. Les distributions alimentaires continuent depuis : « la crise sanitaire n’a que fait révéler une précarité, qui existait déjà avant (…) On attend le 5 pour avoir la bourse, on paie le loyer, et on fait le calcul pour voir combien il nous reste. On est tout le temps dans cette logique quasi comptable de « comment je fais pour pas arriver à moins quelque chose à la fin du mois ». Les étudiant-es, on est dans la survie ».